Médias

Ligue 2 et Twitter, le couple idéal ?

« La communication est une science difficile. Ce n’est pas une science exacte. Ca s’apprend et ça se cultive. » Ancien industriel français, patron de presse, Jean-Luc Lagardère n’a pas connu l’instantanéité des réseaux sociaux. Il n’a qu’entre aperçu le fameux virage du numérique. L’explosion du web 2.0, du multimédias et de la communication digitale. La façon de travailler, de produire du contenu attrayant n’est plus la même. Pour chaque entreprise et, de fait, pour le monde du sport.

Depuis presque une décennie, les clubs ont constamment dû évoluer. S’accrocher à de nouvelles branches. Grappiller de minuscules parts d’un marché en perpétuelle évolution. Il dépasse le cadre local, régional voire national. Au royaume du football mondialisé, une entité française n’est rien. Ou pas grand-chose. Alors que dire d’une Ligue 2 sous-médiatisée et délaissée ?

A son niveau, elle tente d’exister. Comme beaucoup, elle s’est adaptée. Certains clubs ont déjà pris le pas. D’autres commencent à s’y pencher. Quelques-uns résistent et insistent sur une communication trop institutionnelle. Nous délaisserons volontairement Facebook et nous nous attarderons au monde du petit oiseau bleu : Twitter.

Objectif : se faire connaître !

Outil devenu indispensable, Twitter offre un lien direct entre le supporter et le club, entre le média et le club, entre l’annonceur et le club. Réseau social incontournable, il a été intégré par l’antichambre il y a environ 6 ans. Les plus courageux (Clermont, Dijon, Créteil, Sochaux, Red Star, Nîmes) n’ont pas hésité à se lancer dès 2009. « Sur Facebook, nous sommes plus dans l’information, le « traditionalisme ». Twitter, en revanche, est plus axé sur l’interactivité, l’originalité et le ton décalé. » Community manager du Nîmes Olympique, Jordan Isen a bien compris tout l’enjeu de la présence sur un tel support. Pour autant, les plus « anciens » par leur présence connaissent des fortunes diverses.

Le Red Star se trouve avant-dernier du classement Twitter de la Ligue 2 (10 200 followers). Cependant, la politique de l’Etoile Rouge en matière de communication fait la part belle à l’échange, la proximité. A l’image d’un Bourg-en-Bresse promu et totalement en phase avec ses valeurs. A l’opposé, Clermont devrait se lâcher un peu plus. Ses 26 000 followers acquis en l’espace de 6 ans et demi sont à l’image d’un site trop peu alimenté et d’un suivi avec parcimonie. Aucun match n’y est retranscris en direct (même remarque pour Le Havre, un peu léger à Nîmes). Enfin, nous avons le champion, Sochaux. Leader incontesté de cette L2 (136 000 followers). Bien entendu, son passage en L1 y a contribué. Sur ce compte, tout y est ou presque. On n’hésite pas à « RT » le supporter, les journalistes, médias et tout ce qui touche au FCSM. Ne manque qu’un poil de tweets décalés. Mais ne boudons pas notre plaisir…

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Le journaliste au Républicain Lorrain retweeté par l’ASNL. Preuve d’une belle entente entre médias et club.

Une interaction avec les supporters

Car là est la grande force de Twitter et des réseaux sociaux en particulier. « Cela permet de souder une communauté, poursuit Cédric Liéto, journaliste à Nancy pour France Bleu. Le football est un sport qui réunit. Sur notre Facebook, une communauté se crée autour de l’ASNL. » Dans l’Est, on n’hésite pas à échanger avec le twittos lambda, fan ou non de l’ASNL. On ne rechigne pas à relayer des articles de presse, des infos en tout genre (vérifiées) émanant des journalistes, des médias.

Avec les médias

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Bourg-en-Bresse n’hésite pas à relayer des articles parlant du club. Comme ici avec l’hebdomadaire Voix de l’AIn.

« Le business du sport, c’est la relation entre le club, les supporters et les médias, résume Olivier Maillard, ancien de la communication du PSG, de Lens, et pigiste pour Foot365. La presse est un complément essentiel à la communication générale et digitale. Surtout lorsque tu es un club de Ligue 2 et que tu as besoin de notoriété. En 2002, Joël Muller, alors coach de Lens, ouvrait 3 points presse par semaine, tous les entraînements ouverts au public, sauf la veille de match. Muller venait 3 fois par semaines, et il y avait 4-5 entretiens individuels. Cela n’a pas empêché Lens d’être vice-champion de France. » L’image renvoyée sur les réseaux sociaux comme révélateur de l’ouverture du club ? « Assez, oui, répond Cédric Liéto. Nancy communique beaucoup par réseaux sociaux et fait partie de ces clubs où en tant que journaliste, on arrive à avoir des interlocuteurs. Ce qui n’est pas le cas partout. »

D’un point de vue général, quasiment tous les Community Manager de L2 parviennent à s’en tirer. On regrettera quelques manques. Notamment lorsque l’interaction directe avec les supporters se fait rare, comme à Créteil ou Auxerre. Elle n’est pas optimale au Paris FC non plus, malgré l’effort notoire du club francilien depuis son accession en L2. Ou encore à Brest. Club populaire s’il en est, le RC Lens ne prend que la troisième place du classement L2. En Ligue 1, il serait 16e derrière Guingamp par exemple.

« Un rôle d’ambassadeur »

Soulignons la très belle communication du RC Lens concernant ses 110 ans d'existence. Quand c'est bien, il faut le dire aussi.
Soulignons la très belle communication du RC Lens concernant ses 110 ans d’existence. Quand c’est bien, il faut le dire aussi. Tweet relayé par Fred Hermel, correspondant de L’Equipe et RMC à Madrid.

Preuve du retard pris sur le web par la communication Sang et Or, même s’il faut noter un léger mieux récent. Olivier Maillard argumente : « Au Racing, il y a depuis peu de l’interactivité en place avec les supporters. Mais au niveau global, le site est complètement dépassé. Du côté de Twitter, si c’est pour venir chercher le lien renvoyant vers le site internet, ce n’est pas la peine. Il faut qu’il y ait encore plus de création, de contenu. L’énorme potentiel n’est pas vraiment exploité du fait de ressources humaines et financières limitées. »

A Nancy, on compte 41 000 followers pour environ 14 000 tweets publiés depuis mars 2012. Il y a un peu plus d’un an, Emmanuel Lafrogne, CM du club lorrain, définissait son métier : « C’est un rôle d’ambassadeur qu’il ne faut en effet jamais oublier. Je suis supporter du club depuis que je suis gamin et c’est un réel plaisir de contribuer à l’image familiale de l’ASNL. Cela signifie d’essayer de répondre le plus efficacement possible à tous les mails, messages Facebook ou tweets. »

Façonner une image sympathique

Un travail passionnant, prenant et en constante évolution. Il faut savoir se montrer « réactif » lance le Nîmois Jordan Isen. Une bonne communication se révèle « nécessaire pour l’image générale du club », déclare à son tour Cédric Liéto. Restons en Lorraine et revenons sur les déclarations d’Emmanuel Lafrogne : « Nous devons rendre nos fans les plus actifs possible. Cela signifie bien cerner les attentes de notre communauté et lui proposer un contenu adapté. » Connaître sa communauté, savoir la gérer, la mettre en valeur et l’accompagner. Ne jamais oublier que sans elle, le club n’est rien. La Ligue 2 a cette chance d’être minuscule à l’échelle nationale, européenne. « Sur le marché du sport global, c’est tout petit, confirme Olivier Maillard. Tu es tout petit sportivement et médiatiquement. Un club de Ligue 2, ce n’est rien. » Devant cela, il est indispensable de se montrer décalé. De savoir manier l’ironie, le second degré. Bref, de vivre Twitter.

Un ton décalé à prendre encore plus en L2

Screenshot - 12_01_2016 , 15_44_54Nos coups de coeur ? Boug-en-Bresse. Malheureusement, le club bressan compte le plus faible nombre de followers (3 000). Il faut dire que la création récente du compte ne l’aide pas. Et pourtant, on y retrouve tout ce que l’on aime…surtout de l’humour. Un ton décalé qui sied à merveille une structure fraîchement professionnelle. On ne se prend pas la tête. La stratégie se peaufine au fur et à mesure. On pense d’abord à relayer la vie du club. On publie des clichés uniques. Il y a aussi Nîmes. Depuis plusieurs mois, les Crocos mordent à pleine dents le petit oiseau bleu. Et comme ce cher Jordan Isen n’hésite pas à réclamer #UnInvestisseurPourMaLigue2, forcément, on ne peut l’oublier (pas de National, hein ?).

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Et maintenant ?

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2 clubs de Ligue 2 utilisent Periscope (Evian et Sochaux) et un use de Plussh (Nîmes). Bien trop peu…

La Ligue 2 reste dans son monde et ne peut prétendre de tutoyer le PSG, voire même Toulouse et ses plus de 300 000 followers. Résultat d’une politique admirable. Un décalage continu qui offre une renommée méritée pour le club de la ville Rose. Olivier Maillard commente cet exemple : « Sur le digital, pourquoi tu communiques ? Il faut définir une stratégie. Stratégie avec de l’interaction. Des clubs sont dans le décalage. On parle de Toulouse. Derrière, il faut mettre quelqu’un. Il faut de la ressource humaine, une capacité à générer des visuels et vidéos. Il y a de la passion dans l’environnement. Oui, on peut être dans l’autodérision, le décalage. C’est même essentiel dans une stratégie digitale. »

Tous, ou presque, la cherchent encore dans notre championnat. Pour se faire connaître encore plus. Se faire aimer, sans aucun doute. Et puis, au final, faire agir pour « faire consommer. On parle d’économie du sport. Communiquer pour communiquer ne sert pas à grand-chose. Il faut mettre en place de l’interactivité digitale. C’est pour cela que les gens consomment. Et là, il y a un modèle à prendre sur les Américains », poursuit le journaliste et spécialiste du marketing digital.

Un modèle pragmatique. Un modèle axé sur l’humain.

Laurent Mazure

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