Nous avions prévu d’interviewer Mohamed Fofana à la sortie de l’hiver. Le défenseur du RC Lens, âgé de 33 ans, nous avait fait savoir, par l’intermédiaire de son club, qu’il ne souhaitait pas s’exprimer avant la fin de saison, et la fin de son contrat en Artois. Ce lundi, l’ancien Rémois nous a joint. La demi-heure d’entretien permet de mieux comprendre ses 2 saisons quasiment blanches chez les Sang et Or. Il apporte ses explications, son ressenti sur une situation pesante.
MaLigue2 : Mohamed, on vous imagine très déçu de votre expérience lensoise…
Forcément, oui. Je suis très déçu. Je n’ai pratiquement pas joué. Enfin, seulement 2 matchs et une quarantaine de minutes, en début de saison 2016-2017 (43 minutes, Ndlr). En arrivant, j’avais de grandes ambitions. Alors, quand je dresse le bilan, il y a 2 saisons quasiment blanches. 2 saisons blanches, même.
Vous vous êtes blessé contre Tours, il y a 2 ans, avant de disparaître. Est-ce seulement de la malchance ou existe-t-il des circonstances qui peuvent expliquer cette non réapparition avec l’équipe première ?
Il y a des circonstances, oui. Lors de l’exercice 2016-2017, c’est essentiellement de ma faute, avec mes blessures. En réalité, la première devait me tenir à l’écart environ 6 semaines. Mais, j’ai eu une rechute. 6 semaines supplémentaires à attendre. En tout, cela a duré 3 mois. Cela a plombé ma première partie de saison. Après, je ne comprenais pas vraiment ce qu’il se passait. Me blesser autant ne m’était jamais arrivé. Il y avait donc de l’incompréhension. J’ai vu plusieurs médecins, des kinés, des préparateurs physiques… J’ai mis des choses en place pour pallier ce genre de blessure.
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Quels ont été les retours ?
J’en ai eu un quelques uns. Des médecins pensaient que c’était lié à l’âge. De fait, mon organisme était plus fragile. Un préparateur physique a trouvé que je n’étais pas assez musclé. Il y avait un décalage entre le haut et le bas du corps. J’ai eu un programme mis en place, pendant l’intersaison dernière, avec un gros programme d’entretien. Je pense que ça a marché. Je ne me blessais plus.
Mais vous ne jouez pas davantage…
Les matchs de préparation se sont moyennement passés. Après un an sans jouer, ce n’est pas forcément illogique de ne pas retrouver son niveau. Le club ne voulait également plus me garder. Compte tenu de ma saison blanche, trouver quelque chose me paraissait compliqué. Attention, je serais parti si j’avais trouvé. Reste que moralement, ça fait toujours mal d’entendre dire qu’on ne compte plus sur vous.
« Alain Casanova a toujours été très correct »
Vous êtes resté et vous vous êtes accroché ?
Le challenge de revenir et gagner ma place était intéressant. Mais Alain Casanova a été limogé. Certes, il m’avait laissé entendre que je n’étais plus dans les plans. Néanmoins, il m’avait dit que si je retrouvais mon niveau, je serais soumis à la concurrence. Il a toujours été très correct avec moi. J’ai apprécié cela même si c’est toujours difficile de vous entendre dire qu’on ne compte plus sur vous.
Surtout qu’il vous avait fait venir l’été d’avant !
Oui, il avait réussi à me convaincre de venir à Lens. Son discours avait été prépondérant. Lens était un challenge particulier pour moi. Mais les choses dures qu’il a pu sortir, je sais que c’était pour mon bien, même si sur le moment…
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Par la suite, Eric Sikora n’a pas fait appel à vos services.
J’ai vite compris que je n’étais pas dans les plans. A un moment donné, j’enchaîne avec la réserve, je retrouvais un niveau assez conforme à mon statut. Mais cela n’a pas été. Eric Sikora voulait faire émerger les jeunes comme William Bianda et Sagnan. C’est assez logique finalement. J’ai tout de suite compris. J’avais encore un espoir, en Coupe de France contre Noeux-les-Mines. C’était l’occasion de revenir. Mais quand j’ai vu qu’on ne faisait pas appel à moi. Ensuite, Eric Roy m’a explicitement dit que le club ne me voulait plus. Je savais qu’après 2 ans sans jouer, je ne retrouverai pas de club. Je me suis donc préparé à arrêter ma carrière.
A 33 ans, dire stop, cela ne doit pas être évident…
Ce fut une décision délicate. Pour autant, elle est venue naturellement. Je ne souhaitais pas me retrouver en situation de fin de contrat et de me poser la question de mon avenir. Là, j’ai pu tout anticiper. Je vais passer mes diplômes d’entraîneur. En parallèle, je vais intégrer la structure du Stade de Reims, comme entraîneur adjoint au sein de la formation.
« J’ai demandé à résilier en janvier »
Avez-vous des regrets par rapport à Lens ?
Tout le monde a été très correct avec moi. Humainement, je n’ai rien à reprocher à personne. Mon unique regret, c’est qu’en fin de saison, ça aurait pu être plus compliqué. J’avais demandé à résilier mon contrat au mois de janvier, sachant que je n’avais aucune perspective. Le club a refusé cette possibilité. J’ai accepté la décision. Et puis, à 3 semaines de la fin du championnat, Eric Roy m’a fait une proposition de résiliation. La manière n’a pas été plaisante. Surtout qu’après le refus de janvier, je voulais aller au bout avec les joueurs, avec le groupe côtoyé pendant 2 saisons. J’avais un rôle assez important dans le vestiaire, surtout avec les plus jeunes.
Justement, quels conseils leur donniez-vous ?
J’ai essayé de transmettre mon expérience, en sachant que la première saison et la deuxième n’ont rien eu à voir. Je parlais souvent à Dusan Cvetinovic, à Jean-Kévin Duverne. L’an passé, c’était plus facile avec les perspectives de montée. Je sentais, en revanche, que le groupe avait été touché et qu’il avait perdu tous ses moyens cette saison. Le contexte du club, des supporters, cela n’a rien arrangé. J’ai essayé de faire en sorte que les gars fassent abstraction de ce contexte.
Vous avez également été beaucoup critiqué par les supporters. Ressortez-vous indemne moralement ?
Psychologiquement, ça a été très dur, effectivement. J’ai trouvé les supporters lensois très durs me concernant. Pas tous, car j’ai eu du soutien. Je ne comprenais pas certaines situations. Il y a peut-être eu de l’acharnement, notamment cette saison. Je ne pense pas avoir une part de responsabilité sur les résultats de l’équipe à partir du moment où je ne jouais pas. Je n’ai pas pu mettre ma pierre à l’édifice sur le terrain. A l’image de Nicolas Douchez, d’autres joueurs, nous étions les boucs émissaires de cette situation. J’ai trouvé ça assez dur. J’ai même fermé mes comptes sur les réseaux sociaux. Car c’était assez blessant. En même temps, ça fait partie du métier. C’était mon troisième club de ma carrière. Je voulais repartir et laisser une belle image à Lens. Je suis le premier déçu.
En parallèle, avez-vous suivi le parcours du Stade de Reims, votre ancien et…futur club ?
Attentivement, oui ! Ils ont réalisé une très grosse saison. J’ai gardé, en plus beaucoup d’attaches. Et avec mon projet de reconversion, j’ai été amené à les recroiser souvent. Notamment David Guion, que je connais très bien.
Justement, que pensez-vous de son travail ?
Il ne me surprend pas. J’ai eu l’opportunité de le côtoyer comme coach de la réserve à Reims à l’époque. A la fin de la saison 2015-2016, il avait aussi repris l’équipe en fin de saison. Nous avions directement perçu un changement. Malheureusement, Toulouse effectue sa remontada et nous descendons. S’il était arrivé un peu plus tôt… Alors, quand j’ai vu qu’il allait reprendre l’équipe l’an passé, j’ai tout de suite pensé que c’était une bonne chose. Il transmet quelque chose aux joueurs, tout en douceur. En Ligue 1, il conservera le jeu mis en place ! Il aura les mêmes principes de jeu !