Pour notre chronique hebdomadaire, Bertrand Queneutte revient sur la rencontre entre Le Havre et Lorient, lundi, dans le cadre de la 10e journée de Domino’s Ligue 2 (3-2). Le journaliste et commentateur sur France Bleu Haute-Normandie pointe du doigt la très faible affluence, comme souvent, de l’enceinte havraise, malgré les très bons résultats du HAC…
Le Stade Océane : si beau, si grand, si vide…
Accueillir un ancien pensionnaire de Ligue 1, qui plus est le FC Lorient, ses grands joueurs et son entraîneur vedettes, ce n’est pas tous les jours. Depuis sa création, certes récente, jamais le Stade Océane ne l’avait fait. La dernière fois que les merlus avaient fait escale au Havre en championnat, c’était à Deschaseaux… il y a près de 10 ans (2008). A l’époque, les deux équipes étaient en Ligue 1. On allait donc forcément remplir, ou du moins copieusement garnir, pour ce choc de haut de tableau, à l’occasion de la dixième journée de Ligue 2. Quand bien même le match avait été décalé au lundi soir. Confiant sur un bon 10 000, je passais donc un coup de fil au directeur de la communication du club le matin de la rencontre. Et là : douche froide ! Quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre que seuls 5 700 billets avaient à ce moment là trouvé preneurs, abonnés compris. A l’arrivée, 7 700 supporters, au moment du coup d’envoi.
Moins de 5% de la population du Havre avaient donc fait le choix de venir voir « ce qui se fait de mieux en Ligue 2 », selon les dires de l’entraîneur havrais Oswald Tanchot à propos de son adversaire. Et moins de 2% de la population du Havre et de son agglomération allaient donc assister à la victoire des Normands sur l’armada bretonne, emmenés par un Alexandre Bonnet plus que jamais conquérant.
A vrai dire, mon étonnement ne fût finalement que de courte durée. Depuis le début de saison, la moyenne est de 7 808 spectateurs, ce qui place le Stade Océane à la septième place de Ligue 2 en terme d’affluence, loin derrière Lens, Nancy ou encore Valenciennes. La barre des 10 000 n’a d’ailleurs jamais été dépassée, en six matchs à la maison depuis le début de l’exercice en cours, Coupe de la Ligue comprise. Pourtant, les principaux locataires du Stade Océane n’ont plus offert de défaite à leurs invités au cours des sept derniers mois ! La dernière remonte au mois de mars 2017, contre Clermont. Depuis, sept victoires, trois nuls et une qualification au terme d’un match spectaculaire contre Nîmes, avec au passage vingt-deux buts marqués pour dix encaissés. De quoi attirer les foules ? Détrompez-vous. Il en faut plus pour (re)mettre le grappin sur la majorité des Havrais.
Porte Océane, le supporter est en effet miné par dix-sept années de galère. A la fois déçu et résigné. Il boude son équipe à la moindre occasion, plutôt que de la soutenir dans toutes les situations. Et quand il a fini de bouder, il n’hésite parfois pas à venir vêtu d’un maillot de l’OM, du PSG ou d’Arsenal, même dans le KOP. D’où la récente campagne lancée à juste titre par les groupes ultras (Barbarians et KCM), en forme de piqure de rappel : « en KOP, c’est seulement le HAC ».
Le Havrais est aussi plus souvent spectateur que supporter. Il regarde les matchs, plus qu’il ne les vit. Comme si rempli à un tiers, le Stade Océane ne sonnait pas déjà suffisamment creux. Et s’il ne supporte pas assez son équipe à mon goût, il ne supporte non plus pas de la voir perde et l’abandonne bien trop facilement. Abandonnerait-on son père ou son fils en cas d’erreur ? Au premier faux pas ? Certainement pas. Pourtant, le public déserte souvent les lieux au lendemain d’une déconvenue. Souvenez-vous : 14 500 supporters pour la réception de Nancy en 2015-2016 (1-3), et moitié moins pour celle de Nîmes lors du match suivant. L’an dernier, rebelote : plus de 10 000 pour la réception d’Amiens (0-0), moins de 7.000 pour celle de Strasbourg, quinze jours plus tard.
Bon, le Havrais a tout de même quelques circonstance atténuantes. Il est vrai qu’il n’a vu son club en Ligue 1 que deux petites saisons au cours du XXIe siècle. Il est vrai aussi qu’on lui a supprimé son stade historique en 2012 pour en pondre un nouveau flambant neuf et qu’il a un peu de mal à y trouver sa marque. Enfin, il est vrai aussi que ces deux dernières saisons, son équipe est souvent passé au travers dans les grands rendez-vous. Mais il est serait bon qu’il s’imprègne (de nouveau) du message brandi lundi par les ultras du KCM à l’occasion des 500 ans de la ville : « Le Havre, notre vie, notre ADN ». Et qu’il comprenne une chose, s’il veut vraiment la Ligue 1 : qu’il est toujours plus facile de gagner à douze contre onze.