Championnat

Entretien ML2 – Président du Collège Ligue 2, Bernard Joannin s’exprime sur l’argent de CVC, et les chantiers lancés pour améliorer le championnat

Après la démission de Christian Leca de son poste de président du Collège Ligue 2 à la LFP, Bernard Joannin a pris récemment sa succession à ce poste. Groupes de réflexion pour améliorer la compétitivité du championnat, répartition de l’argent amené par le fonds d’investissements CVC… le président d’Amiens a pris le temps d’évoquer ces sujets importants pour l’avenir du championnat pour MaLigue2.

A lire aussi >> Ligue 2 – Vincent Labrune annonce que les clubs toucheront 1,5M d’euros en 2022-2023

MaLigue2 : Bernard, était-ce une candidature spontanée de votre part de prendre la suite de Christian Leca, ou avez-vous été sollicité par vos homologues présidents de Ligue 2 pour reprendre le flambeau en tant que président du Collège Ligue 2 ?

Bernard Joannin : Non, c’est vrai que je n’étais pas disposé à cela au début (sourire). J’ai un emploi du temps déjà assez monstrueux avec Intersport qui n’arrête pas de se développer. J’ai aussi ouvert deux restaurants sur Paris avec des associés. Plus ma famille et mon club… Mais bon, plusieurs collègues m’ont appelé et m’ont dit : « Tu as l’expérience de la L1, de la L2 et même du National« . Je connaissais aussi déjà les instances puisque j’avais fait partie du Conseil d’Administration de la Ligue. En ces temps qui s’annonçaient difficiles dans les négociations avec CVC, ils m’ont demandé de prendre le rôle et j’ai accepté. J’ai essayé de défendre les intérêts de la Ligue 2 tout en restant dans l’intérêt général du foot français et les choses se sont plutôt bien passées. On a la volonté de se moderniser, d’améliorer nos structures, d’avoir de beaux stades pour accueillir nos abonnés et nos partenaires. Améliorer la qualité de nos centres de formation pour améliorer la compétitivité de la L2. C’est mon leitmotiv.

Quels sont les grands chantiers lancés pour défendre cette Ligue 2 et en améliorer sa compétitivité ?

J’ai décidé de créer quatre groupes de réflexion. Le premier, c’est que la Ligue 2 doit devenir « La Ligue des Espoirs« . En L1, on l’appelle « La Ligue des Talents« , la L2 doit être celle des espoirs. Pourquoi ? Par sa qualité des centres de formation et en donnant aussi la chance à des jeunes entraîneurs d’atteindre le haut niveau.

Le deuxième groupe concerne le marketing. La L2 est une division qui n’est pas comparable à la L1. Sa nature, c’est plutôt des clubs de territoires comme Caen, Amiens, Auxerre, Dijon… des clubs qui portent le drapeau de leur région. On doit créer une identité marketing autour de ces clubs régionaux. J’ai demandé à la Ligue de nous dédier des personnes pour s’occuper de cela.

Le troisième groupe concerne la place de la L2 au sein de la société commerciale. Il faut être fier de l’arrivée de CVC. Ils ont 122 milliards d’actifs. On ne peut pas soupçonner ces gens qui sont de véritables professionnels de l’entertainment, de venir dans le football et de ne pas apporter leur savoir-faire sans vouloir valoriser leur investissement. S’ils valorisent leur investissement, nécessairement ils valoriseront nos clubs. C’est important que la L2 prenne sa place totalement dans cette société commerciale.

Et le quatrième groupe découle de la modernisation de nos structures. Il concernera la licence-club (ndlr : un ensemble de critères à respecter par les clubs pour bénéficier du versement total des droits TV). Mon sentiment, c’est que la L2 doit se rapprocher de la valeur de la licence-club de la Ligue 1. Il n’y a pas de raison que nos structures soient différentes de celles de la L1. A partir du moment où la L2 se professionnalise, se modernise, se digitalise… nous serons beaucoup mieux considérés.

Vous n’avez pas peur que le fossé avec les petits clubs qui montent du National 1 se creuse davantage avec une licence-club encore renforcée ?

J’ai été cinq ans président d’un club de National donc je peux en parler. Un club pro, c’est une entreprise. Donc les propriétaires de ces clubs doivent faire les investissements nécessaires, c’est leur rôle.

« On a réussi à présenter un dossier cohérent pour leur montrer que la Ligue 2 voulait avancer et se rendre encore plus compétitive »

Concernant la répartition de l’argent amené par CVC dans la société commerciale (1,5 milliard d’euros), quel est votre avis sur le fait que les clubs de L2 toucheront 1,5 millions d’euros, tandis qu’un relégué de L1 touchera 16,5 millions la saison prochaine ?

Au départ, CVC venait pour prendre une participation dans la société commerciale et dans sa tête, il n’y avait que la L1 dans cette société. Après avoir discuté longuement avec eux, avec leur directeur général, on a réussi à leur présenter un dossier cohérent pour leur montrer que la Ligue 2 voulait avancer et se rendre encore plus compétitive. Donc ils ont accepté que la L2 rentre dans ce schéma d’évolution dans la société commerciale. On aurait aimé avoir un peu plus de revenus. Mais voilà, les choses sont comme cela, il faut les accepter. Il y a eu des points d’avancées importantes.

Je peux donner des exemples de clubs qui avaient un budget faramineux et qui sont restés plusieurs années en Ligue 2. Si je prends mon exemple à Amiens : j’avais 3 millions d’euros de masse salariale pour mes joueurs quand nous sommes montés en L1. Aujourd’hui, j’en suis à 6,5 millions et nous sommes 13es. Comme quoi, l’argent ne fait pas toujours tout…

Mais n’y a-t-il pas quand même un risque de voir une fracture en L2 entre les relégués et leurs 16,5 millions d’euros par rapport aux clubs avec beaucoup moins ? Même si l’argent ne fait pas tout, il aide quand même à investir plus…

Je ne peux pas dire le contraire. Mais c’est à nous, via la société de marketing, de développer nos revenus, de mieux former nos jeunes, de réussir à vendre des joueurs de qualité à très bon prix pour augmenter nos revenus et rivaliser. Ne comptez pas sur moi pour me plaindre. Je regarde toujours devant. Je dois emmener les présidents de clubs, et positiver vis-à-vis de nos actions.

Et le passage à 18 clubs dans deux ans en Ligue 2, comment le voyez-vous ?

Il faudra être costaud avec quatre relégations lors des deux prochaines saisons. C’est une compétition.

Il y a eu consensus en Ligue 2 autour de cette société commerciale et CVC ?

Oui, ils ont été sensibles à ce que Vincent Labrune a fait pour nous entre le début des négociations et la fin. On partait de zéro et on est arrivé à 80 millions d’euros pour la L2 tout compris. C’est un point positif. Il y a eu aussi un statu quo du pourcentage de répartition des droits TV, ce qui fait que tout le monde est relativement sécurisé pour les 10 prochaines années. Il faut être positif dans la vie ! Je préfère surfer sur le positif que d’être dans la complainte.

Propos recueillis par Dorian Waymel

Crédits photo : Federico Pestellini / Panoramic / Imago.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *