Entretien ML2 – Jean-Marc Ettori : « Il va falloir dégraisser, tout le monde va prendre »

Avec la victoire de Nancy aux dépens d’Auxerre ce samedi après-midi (2-1, 34e journée de Domino’s Ligue 2), le Tours FC est officiellement un club de National 1. Lanterne rouge durant une grande partie de la saison, le TFC n’a plus aucun espoir de maintien. Un coup dur attendu depuis plusieurs mois par le président Jean-Marc Ettori. Un président joint par nos soins après l’officialisation de cette relégation et qui est revenu, sans langue de bois, sur la saison noire traversée par son club.

MaLigue2 : Président Ettori, l’officialisation de cette descente était attendue depuis longtemps…

Ma première pensée, c’est que cela va faire plaisir à beaucoup de personnes… Certains de vos collègues vont être très contents. Ensuite, nous sommes en National 1, soit. Le championnat n’est pas terminé quand même. Si nous pouvons finir avant-derniers, ce serait une bonne chose. Car rien ne vous dit que certains clubs sont tous sains financièrement.

En référence, notamment, à Sochaux ?

Certains clubs pourraient peut-être descendre et nous laisser leur place. Maintenant, nous nous devons d’être dans le concret. Et ce concret, c’est la relégation. Nous finissons très mal la saison, qui a mal débuté avec un mauvais recrutement.

Est-ce lié uniquement à cela ?

Il y a un moment, dans un club de football, on comprend certaines choses. Certains ne comprennent jamais rien dans leur vie. De mon côté, j’ai compris beaucoup de choses. Il m’a fallu 5 ans pour comprendre la psychologie des joueurs, des entraîneurs, des Ligues de football, de la Fédération. Ma conviction est la suivante : 90% des gens du football n’y comprennent rien. Et je me mets dans ces 90%. Et seuls les 10% qui restent, ils comprennent qu’il faut être tordus pour réussir. À partir de là, je ne peux rien dire de plus…

« Ce mental, à Tours, c’est plus compliqué qu’ailleurs »

Vous évoquez la compréhension de la psychologie des joueurs. Est-ce lié à votre club ?

Nous jouons correctement au ballon. Mais, il y a domaine extraordinaire que personne n’a jamais pu résoudre, c’est le mental, la psychologie. Si le mental ne va pas, on peut aligner 10 Neymar, ils perdront. Ce mental, pour tout un tas de raisons, à Tours, c’est plus compliqué qu’ailleurs. On ne peut pas dire qu’on va s’en sortir, car on a de bons joueurs. Il faut de bons joueurs, de bonnes installations, de bons politiques et de bons supporters.

Tours a manqué de tout cela selon vous ?

Oui ! Il faut aussi de bons joueurs, attention. Mais vous avez un choix à faire. J’ai été obligé, pendant 5 ans, de prendre des joueurs à 500 €, c’est-à-dire des stagiaires, ou à 2 200 €, le minimum requis. Je ne pouvais pas payer des salaires de 20 000 €, de 30 000 €, même de 40 000 €. Je sais qu’il en existe en Ligue 2. Il fallait faire le choix de payer la dette du club, ou alors nous aurions été en faillite. Nous avons fait ce choix pour sauver le club.

Les conditions d’entraînement n’étaient également pas optimales selon vous ?

Nous sommes arrivés à avoir jusqu’à 15 blessés. Pourquoi ? Car pendant 6 mois, à Tours, on ne peut pas s’entraîner sur les terrains en herbe. On doit s’entraîner sur un synthétique ancienne génération. Tous nos blessés viennent de là… Après, quelque part, il faut bien qu’il y ait 2 clubs qui descendent. Je présume que, chaque saison, il faut chercher la raison d’une descente. Chacun apporte ses réponses. Nous avons simplement été les moins bons des 20 clubs.

En décembre, lorsque vous recrutez Jorge Costa, y croyez-vous encore ?

Sincèrement ? Oui, c’était possible.

« L’équipe de U19 est meilleure que celle de Ligue 2 »

À partir de quand avez-vous compris que le National 1 allait être votre quotidien ?

À partir de janvier, j’ai compris que c’était fini. Nous avions pris une dizaine de joueurs en plus. Mais, mentalement, l’équipe n’était pas faite pour se maintenir. Quand j’ai vu que nous n’inversions pas la tendance, j’ai compris. Regardez à Ajaccio ce vendredi. Nous avons pris un premier but sur penalty, soit. Le deuxième arrive 15 secondes après le repos. Personne n’avait bougé sur le terrain, moi je n’ai même pas eu le temps de m’asseoir. Et puis, un troisième arrive derrière. Ensuite, nous revenons à 2-3 et nous avons une occasion que même vous et moi nous n’aurions pas loupée. Je suis convaincu d’une chose : j’aurais mis mon équipe de U19 ce vendredi, on gagnait le match. Aujourd’hui, l’équipe de U19 est meilleure que celle de Ligue 2.

Allez-vous être capable, financièrement, de gérer cette descente ?

J’ai toujours dit que je ne me défilerai pas. À partir de là, on va essayer de gérer cette descente, oui. Même si c’est du grand n’importe quoi au niveau de l’organisation du foot français. Vous avez 3 M€ de moins. Après être mort sportivement, on vous tue financièrement. Ce n’est pas le cas dans les grands championnats européens. En France, on pose beaucoup de questions, mais on n’amène pas beaucoup de réponses. Il va falloir dégraisser, se séparer de joueurs, se séparer du personnel, de l’encadrement… Tout le monde va prendre. Après, nous verrons, j’espère que la DNCG sera aussi regardante avec les autres clubs qu’elle l’a été avec nous pendant 5 ans. Si c’est le cas, alors nous aurons encore une chance. Si elle ne le fait pas, nous serons en National 1.

Avec l’ambition de remontée immédiatement…

C’est obligatoire, car au bout de deux ans, nous perdons le statut pro. Et puis, en National, le jeu n’est aussi pas le même qu’en Ligue 2, moins technique, plus physique. L’arbitrage va aussi suivre la même logique… mais bon, on ne peut rien dire sur l’arbitrage. J’espère cependant que nous ne suivrons pas le même chemin que Créteil, relégué en National 2…