L’un s’est retrouvé relégué en Ligue 2. L’autre a loupé la montée en Ligue 1 d’un rien. Nancy s’était entrouvert une voie royale pour valider son maintien parmi l’élite. Lens s’était mis dans les meilleures dispositions pour finir sur le podium de L2. Après seulement un mois de compétition, les deux clubs ont déjà écarté leur entraîneur et ont grandement compromis leurs chances de se mêler à la lutte pour la L1. Comment en sont-ils arrivés-là ?
Une fin de saison 2016-2017 mal digérée
Douzième au soir de la 23e journée de Ligue 1, début février, et un succès 2-0 à Nantes, l’AS Nancy-Lorraine se dirige tout droit vers un maintien tranquille. Le champion de France de Ligue 2 en mai 2016 compte 4 longueurs d’avance sur Angers, barragiste. Mais, la fin d’exercice se révèle catastrophique. Les Lorrains ne prennent que 8 points sur 48 possibles (2 victoires, 2 nuls, 12 défaites) et finissent avant-dernier du classement, le 20 mai dernier, malgré un succès 3-1 face à l’ASSE. Un an après la belle remontée à l’étage supérieur, l’entité nancéienne voit ses fondations trembler de nouveau.
A Lens, le début 2017 a offert le luxe aux protégés d’Alain Casanova de posséder leur destin entre leurs mains. A la sortie de l’hiver et grâce à une victoire convaincante à Reims (2-0, 30e journée), le Racing conserve son leadership. Trois semaines plus tard, après une éclatante victoire à Ajaccio (6-3, 32e journée), le RCL résiste au retour des poursuivants et reste calé en deuxième position. Puis, un trou d’air, deux défaites, ont finalement raison des ambitions artésiennes. Au soir de la 38e journée, ce Lens échoue pour une petite minute dans sa quête de L1 et termine quatrième, au pied du podium. Là aussi, comme à Nancy, le succès 3-1 acquis aux dépens de Niort ne sert à rien.
Maintenir un coach après échec, le meilleur choix ?
Même si descente il y a, la deuxième en cinq ans, Jacques Rousselot, le patron nancéien, conforte Pablo Correa sur le banc. C’est « l’homme de la situation » malgré l’échec sportif manifeste. A la reprise de l’entraînement, fin juin, Pablo Correa évoque les raisons pour lesquelles il a accepté de poursuivre : « On est descendus, je prends ma part de responsabilité mais pas question que je démissionne. Descendre n’est pas une raison pour partir, c’est même un peu lâche, je trouve. Je préfère démissionner quand ça va bien. » S’il souhaitait prendre sa revanche, c’est désormais chose impossible.
Reprendre en mains une équipe traumatisée par un échec sportif, Alain Casanova l’a également testé. Il peut, aujourd’hui, en tirer le même constat que son homologue. Le technicien lensois prend ses responsabilités dès sa dernière conférence de presse de la saison. Il parle « d’échec personnel« , assure avoir « pris ses responsabilités » en déclarant jouer la montée. Peut-être aurait-il fallu accompagner les gestes à la parole. Dès la reprise, Alain Casanova affirme que l’ensemble de ses dirigeants souhaitait le voir poursuivre l’aventure : « A partir du moment où j’ai senti les gens satisfaits et avec la volonté de continuer, la question ne s’est même pas posée.«
Si la communication, habile, permet d’assurer que toutes les composantes d’un club retiennent leur premier fusible en cas d’échec sportif, les faits sont implacables. Le soutien, apparemment « total » dont bénéficiait Pablo Correa et Alain Casanova, n’a pas pesé fort dans la balance au moment de les éjecter. En assumant publiquement tout ou partie d’un échec, un coach se met en danger face à ses joueurs. La confiance s’effrite. Les interrogations grandissent. L’incertitude d’un objectif commun raté prend le pas sur la certitude de l’atteindre. Et, au bout du compte, Nancy et Lens doivent tout reconstruire trois mois après avoir tenté de réanimer ce qui pouvait l’être.
Un mercato raté
Il serait inconcevable de faire porter le chapeau uniquement à un technicien, bien souvent tributaire d’un mercato réussi. Ceux de Nancy et de Lens ont été ratés dans les grandes largeurs.
En Meurthe-et-Moselle, Pablo Correa a même tiré la sonnette d’alarme avant même la reprise de la saison : « Notre objectif était de renouveler l’effectif pour avoir des joueurs frais mentalement. Mais on n’est même pas à la moitié du chemin. […] La qualité du groupe qu’on a aujourd’hui nous amène à jouer au milieu de tableau. Mais avec un certain degré de malchance, il peut nous amener à jouer le bas de tableau. » Nous étions le 25 juillet. Un mois plus tard, seul Laurent Abergel semble apporter ce qu’on attend de lui. Et comme plusieurs cadres ont opté pour un autre challenge…
Que dire des choix sportifs lensois ? Pourtant, la signature début juin de Mouaad Madri avait des airs de belles promesses. Raté. Ciani, Berthomier, Gradit, Briançon, Alioui étaient visés. Aucun joueur confirmé de Ligue 2 n’est finalement arrivé. A l’inverse, des éléments tout à fait inconnus ont pointé le bout de leur nez pour tenter de combler une quinzaine de départs, dont ceux de Bourigeaud et Lala. Mais, le constat est pour l’heure implacable. Alvaro Lemos est dépassé sur son couloir droit, Tasoulis est à l’infirmerie après avoir peu convaincu, Dankler est inquiétant, Chantôme doit se remettre en condition et même le retour de l’ancien Karim Hafez n’a pas rayé tous les doutes le concernant (méforme, manque de rythme).
Quelles perspectives ?
Avec respectivement trois et zéro point dans la besace après 5 journées, inutile de prédire le meilleur pour les deux clubs. Nancy paraît se baser sur un collectif plus solide et moins friable qu’un Lens déjà dépassé dans beaucoup de domaines. Si le mental semble être plus atteint en Artois qu’en Lorraine, l’ASNL ne peut prétendre être mieux lotie.
Le mois de septembre, à venir, est déjà celui de tous les dangers. Avant de prétendre au top 5 synonyme de play-offs, barrages et Ligue 1, peut-être faudrait-il penser à gagner. Un match, puis deux, avant pourquoi pas d’entamer une série. Unique moyen de guérir les têtes, les jambes et de grimper au classement. Que ce soit Eric Sikora à Lens et le nouveau staff prochainement nommé à Nancy, le travail est colossal. Le retard pris est d’ores et déjà irrattrapable. La conséquence d’une intersaison ratée, pour l’un comme pour l’autre ! Un mal certainement plus profond. Peut-être davantage à Lens qui, depuis dix ans, a enchaîné 9 entraîneurs, pour 7 années de Ligue 2,
et qui semble naviguer à vue, en misant sur de (trop) nombreux paris.
Laurent Mazure
© Olivier Stéphan