En cette période intense de mercato estival, MaLigue2 a rencontré Khalid Tallas, agent de joueurs depuis 2005. Aux petits soins avec ses protégés, entre coulisses et anecdotes, Khalid livre une partie d’un métier passionnant qu’il exerce depuis maintenant dix ans.
MaLigue2 : Quel a été votre parcours pour devenir agent de joueurs de football ?
Khalid Tallas : Je viens du milieu du foot. Je suis originaire de Montbéliard, et je suis passé par la formation sochalienne, avant d’évoluer aussi à Brest. Dès 2005, je me suis lancé en tant qu’agent. J’ai donc une bonne connaissance du milieu et je comprends les besoins d’un joueur. D’autres débarquent de « nulle part », d’un monde totalement différent avant de se déclarer agents. Ce n’est pas une critique, juste un constat.
Comment avez-vous réussi à percer et à tisser un réseau à vos débuts ?
Lorsque j’ai commencé, j’ai eu tendance à rester dans ma région, notamment dans l’Est de la France. Les premiers liens avec des joueurs et dirigeants se sont alors créés. Ensuite, quand j’ai obtenu mes premiers résultats, j’ai investi plus de 50% de mon budget dans le fonctionnement. J’ai beaucoup misé sur la mobilité. Je voyageais énormément pour aller voir des matchs, trois ou quatre par week-end un peu partout. Cela impliquait donc pas mal de voyages en avions, en taxis, de payer des nuits d’hôtels…
Vous suiviez des joueurs ou des clubs en particulier ?
Je suivais des rencontres de CFA, notamment quand les réserves des clubs pros jouaient, mais aussi des matchs de National, L2 et L1. Je prenais des notes sur certains joueurs, je faisais le travail d’un scout. Puis je rédigeais des rapports plus poussés à partir de ces notes. Le lundi et le mardi, je relisais tout ça à tête reposée, avec du recul. A chaud, j’avais du mal à analyser ces données. Si un joueur m’avait tapé dans l’œil, je le suivais alors ensuite sur 5-6 matchs derrière. Je me renseignais pour savoir quelle était sa situation, s’il était déjà engagé avec un agent ou non par exemple.
Qu’est-ce qui vous faisait opter pour tel joueur plutôt qu’un autre ?
Pour moi, les qualités humaines sont toutes aussi importantes que les qualités footballistiques. Le joueur qui me plaît sur le terrain, je le sens en 10 minutes. Par contre, je fais quelques petites « investigations » pour connaître son comportement en-dehors. Quand j’observe un match, je sens que un joueur dégage quelque chose, qu’il possède un truc en plus. La première impression est souvent décisive. Après, certains confirment mon intuition sur la durée et d’autres sont plus décevants et je ne vais pas plus loin. Aujourd’hui, je m’occupe d’une douzaine de joueurs, et je ne réalise plus ce travail de repérage. Je ne veux pas avoir à gérer l’avenir de 30 mecs. Je me consacre totalement à eux pour ne laisser personne sur le carreau et répondre à leurs attentes. Sinon, il m’arrive parfois de dépanner de plus « gros » agents qui n’ont pas le temps de gérer tous leurs dossiers, et je me charge alors de faire signer les contrats mais je ne suis plus ces joueurs derrière.
Quel est donc votre rôle avec vos joueurs au quotidien ?
Si je ne les ai pas au téléphone tout les quatre jours, ils s’inquiètent (rires). C’est déjà un travail assez long. Il faut beaucoup les rassurer. Surtout les joueurs qui entrent dans leur dernière année de contrat. Dès le 1er juillet, c’est un peu le stress. J’essaye donc d’aller les voir en priorité, un peu plus souvent que les autres. C’est une relation de confiance mutuelle, ils peuvent tout me dire et je les aide au maximum. Il y a trois types de situation : le joueur est sous contrat pendant encore quelques années et ça se passe bien. Le joueur entre dans sa dernière année et il faut commencer à gérer. Puis il y a le cas où le joueur veut changer de club. C’est cette dernière partie qui est la moins agréable car ce n’est pas évident de se faire écouter des dirigeants qu’on ne connaît pas et trouver la bonne porte de sortie pour son joueur selon ses envies. Pour le moment, j’ai toujours trouvé une solution et j’espère que cela va continuer, je touche du bois (sourire).
Réaliser des transferts en Ligue 2, c’est quelque chose de facile par rapport à la Ligue 1 ?
Oui, les dirigeants sont beaucoup plus zen. C’est normal, quand un président de Ligue 1 va recevoir trente appels pour son joueur, celui de Ligue 2 n’en aura que deux ou trois à gérer. Les relations sont donc plus faciles à entretenir. En revanche, avec les clubs promus, c’est plus difficile et je les comprends tout à fait. Ils n’ont pas forcément l’habitude et puis il faut gérer à côté le volet financier avec la DNCG etc, pas mal de contraintes, ce n’est pas évident pour eux. Ils sont plus à fleur de peau.
Quels sont vos meilleurs et vos pires souvenirs de mercato ?
A mes débuts, j’ai fait venir un joueur d’un petit championnat dans un gros club de Ligue 1. Le mec est essayé par ce club, il est convaincant, je négocie un beau contrat. Et finalement il me l’a mise à l’envers et a contacté un autre agent débarqué de nulle part pour finaliser la transaction. Je me suis retrouvé sans rien. C’est aussi après cette expérience que j’ai apporté une exigence particulière à choisir mes joueurs pas uniquement sur des critères sportifs. Ce qui est difficile aussi en période de mercato, c’est l’accumulation des voyages et des déplacements. Encore plus en période de jeûne durant le ramadan comme en ce moment.
Pour le côté positif, c’est toujours un immense plaisir quand la carrière d’un protégé décolle. Si je prends l’exemple de Christophe Hérelle (il vient de signer à Créteil, ndlr), c’est quelqu’un qui peut aller en Ligue 1 d’ici deux ans, j’en suis persuadé et je lui souhaite parce qu’il a les qualités pour. Son transfert s’est réalisé en quelques heures, tout est allé très vite. C’était une très belle surprise pour nous !
Propos recueillis par Dorian Waymel