A Liévin, près de Lens, sa maison se devine de loin. Elle éclaircit d’emblée le début de rue. Des drapeaux ont pris la place des habituels rideaux. Les écussons « RC Lens » s’affichent sur chaque vitre. Le peu de doute se dissipe aussitôt et laisse place à la certitude de pénétrer dans un lieu atypique. Un musée. Un temple du Racing. Une cathédrale. Bienvenue chez Yvette Dupuis.
Le rouge et jaune ornent les murs de chaque pièce. Les couleurs sont à peine voilées par « les 300 nounours » que compte le domicile d’Yvette – « Il y a encore de la place », ajoute-t-elle -. Des nounours tous Sang et Or avec un point commun : un bonnet tricoté des mains d’Yvette. Le succès de « Stadium », la pièce de théâtre consacrée aux fans artésiens, ne la chamboule pas. « On n’y aurait jamais cru, avoue Yvette, avant d’interroger sa belle-fille, assise à la table de la pièce principale. T’y aurais cru, toi, Cathy ? » Le « non » est unanime. Celui de Cathy, celui aussi de Claire et Dorothée, deux des filles d’Yvette, celui de son petit-fils Thomas, puis du dernier de la bande, Curtis. « C’est le 32e membre de la famille », précise avec tendresse celle qui a fêté ses 85 printemps cette année.
« Stadium », un témoignage
D’ordinaire si discrète, Yvette Dupuis jouit, avec « Stadium », d’une petite notoriété. Elle n’y prête guère attention. Depuis toujours, elle soutient sans faille le Racing avec ses proches, loin des projecteurs. Cette pièce de théâtre lui offre le simple bonheur de partager le sien. De transmettre le sang imprégné d’or qui coule dans ses veines. D’évoquer son immense passion. Celle de Lens. « Pour nous, ce n’est pas forcément une pièce de théâtre, c’est un témoignage », assure Claire. Yvette embraye : « Ça serait triste si on n’arrivait pas à transmettre ce que l’on ressent. Mais là, même le public chante avec nous ! »
La surprise de ce succès n’a d’égal que l’accueil reçu à Paris. Une capitale où elle n’avait jamais mis les pieds. « On m’avait dit : sort pas avec ton maillot ! Finalement ? Il n’y a eu aucun problème. Nous avions des a priori par rapport aux Parisiens, mais c’était très bien. » Y compris quand elle a échangé avec l’ancien président de la République François Hollande. « Le président m’a parlé seulement deux minutes, mais il a pris mes deux mains. Il était content d’être venu. » Il n’y a pas plus belle récompense pour une femme qui, depuis plus de 40 ans, vit ses journées au rythme de son équipe.
« Lens, il n’y a que ça pour animer »
« Pourquoi cette passion ? Car je n’avais rien d’autre pour me distraire. Je n’aime pas les films, ni rien… » Alors Lens, c’est une évidence pour Yvette. « Les supporters, l’animation des tribunes… C’est Lens », rigole-t-elle, bien incapable de décrire un amour indéfectible. Une passion « encore plus grande » aujourd’hui. « Oh oui ! » Bien plus qu’en ces années 70, où elle découvre Bollaert au soir d’un Lens-Lyon. « Lens a gagné. En tout cas, il ne doit pas avoir perdu », s’amuse celle qui « ne pourrait pas faire sans Lens. Il n’y a que ça pour nous animer… » « La vie serait triste », concède Dorothée, sa dernière fille, contaminée comme tout le monde par ce syndrome si tonifiant qu’est le Racing.
« Ils font de leur mieux quand même »
Les soirs de match, ils sont une trentaine à se regrouper dans cette même pièce. Le silence ne dure jamais longtemps. Et même si les temps sont difficiles pour les protégés d’Eric Sikora, Yvette Dupuis ne perd jamais la foi. « Ils reviendront ! Ils n’auraient pas dû vendre autant de bons joueurs. Comme Bourigeaud… Mais on espère toujours. Il faut que les nouveaux joueurs s’habituent. » Convaincu qu’ils « font de leur mieux quand même. Quelque fois, c’est à cause des arbitres ! Regardez samedi (contre Reims, ndlr), on ne repousse pas le ballon avec sa main et rien avoir ! Lens aurait sûrement marqué et ça aurait animé la fin de match. Tous ceux qui étaient ici, ils étaient en colère (rire). » Sa passion transpire. « Il faut qu’ils s’y mettent. Je ne comprends pas que les joueurs ne restent pas. On va dire, c’est pour les sous aussi. Mais ils ne vont pas aller au cimetière avec ! »
Sur son fauteuil, pas loin de ses pelotes de laine prêtent à l’emploi, Yvette Dupuis garde en elle une jeunesse de l’esprit bienveillante, touchante. Une lucidité qui en déconcerterait plus d’un. Une grande humanité. La personne lambda qui pénétrerait chez elle resterait sûrement interloquée devant tant d’objets à l’effigie du Racing. Elle en ressortirait convaincue que le bonheur appartient à ceux qui aiment. Sans artifice. Sans sacrifice.
Merci pour cette article
Qu'elle bel article respect Mme Dupuis