« S’il la tire aussi bien que les attaquants brestois… »

Ayitée dans sa chambre d’hôpital, Valérie cherche le sommeil. Son regard s’attarde avec intérêt sur la chaîne Eurosport, qui retransmet son match du lundi soir, Brest-Lens. « Un très très grand match » d’après les commentateurs. Valérie ne comprend pas grand chose au football, et, dans ces conditions, nous sommes tout aussi ignares.

« Les joueurs en blanc sont motivés », se dit-elle à voix basse, interloquée de rester scotchée devant ce programme télévisuel débuté depuis 10 minutes. « Mais pourquoi sont-ils si timorés au moment de prendre la bonne décision, on dirait l’autre qui… » Non ! Ne surtout plus penser à lui… Pas le temps d’y songer, l’attaquant lensois la replonge dans son match, en trompant facilement le gardien breton, déjà au sol. « Ah Thébaux toi, une vraie Julie couche-toi là ! » vocifère-t-elle entre ses dents. 11ème minute, 1-0 pour Lens.

Le jeu reprend, Valérie vit le match pour de bon, comme une adolescente qui sent son coeur battre la chamade en se rendant à son premier rendez-vous amoureux. Le tensiomètre ne cesse de monter, on sonne à sa porte. « Oui », gémit-elle plaintivement pour être certaine de ne pas être trop longtemps dérangée. Un soignant entre. Il demande : « Comment vous sentez-vous ? La tension … » et stoppe brutalement sa phrase en constatant que Madame, le visage figé, ne décroche pas du Brest-Lens diffusé. Il reprend finalement : « Vous regardez le match? »

Ne jetant toujours pas le moindre oeil vers son interlocuteur, elle réplique négligemment : « Une femme libre doit savoir prendre quelques libertés… » A bon entendeur, un scooter vrombit dans la nuit.

« C’est que je suis breton », ose l’infirmier de garde. « Je suivais la rencontre sur mon téléphone, c’est pas facile. Brest, c’est…oh ! putain ! » s’exclame-t-il soudain, tandis que deux attaquants brestois manquent une nouvelle occasion d’égaliser. Cette fois-ci, elle détourne enfin le regard, presque bienveillante. Lui, se rendant immédiatement compte de sa familiarité, se confond en excuses : « Je suis désolé Madame, c’est l’émotion, ce match, ces attaquants, tout ça, bref… je m’en vais, appelez-moi si vous avez besoin », et se précipite vers la porte.

Valérie, pleine de bonté, l’interpelle : « Restez, mon cher. Tenez, prenez ce siège, vous serez mieux. » Et les deux se retrouvent côte à côte, abrutis devant l’écran de télévision, sans partager la moindre parole. Juste constater les multiples ratés de l’attaque brestoise, assimilée à un manque de chance par certains, que nous appellerons plus justement maladresse.

A la mi-temps, l’infirmier tente : « Je suis désolé pour ce qui vous arrive ». Sans sourciller et pas gênée, elle répond sereinement : « C’est un Verdier, mais surtout pour lui. » Philosophe, il conclut : « Une Sallistoire… »

Rien d’autre ne sera échangé, le match reprenant sur les mêmes bases, l’ennui en plus. Deux artistes sortiront Valérie de sa torpeur, l’empêchant de sombrer dans le sommeil sur Lesoimier. Le premier, un certain PandOr qui aurait mérité de s’appeler PandePlomb, le temps d’une soirée. « On vérifiera ses papiers », soupire-t-elle en se demandant si elle peut toujours le faire, en tant que future-ex-première dame. Le second, Ayité, réalise un véritable « one man show ». Il se trouvait à cette heure en passe de devenir le nouvel ennemi public du ministre de l’intérieur, même s’il ne maîtrise absolument pas ce geste technique. Jonathan – aucun rapport avec Joyce…quoique, nous demanderons  tout de même à « PlusProche » de vérifier – nous ramène à la vraie question du soir : « Peut-on rire de tout ? » Nos deux compères de la chambre 690 seraient tentés de répondre non, doit-on pour autant leur reprocher un manque d’humour ? Le constat serait sévère, bien que le joueur possède une incroyable capacité à mettre dans l’embarras, ne dévoilant jamais son jeu : tout cela est-il bien sérieux ou manie-t-il à merveille le millième degré ? Son interview d’après-match ne laissera aucun doute, il s’agit bien d’un humoriste, du moins peut-on le classer comme tel. Ouf, Manuel range les siens et peut dormir aussi sereinement que le Gbamin qui vient de se rendre compte, en même temps que nous, qu’il a passé une heure sur le terrain.

Épuisée par ces 90 minutes intenses devant son écran de télévision, Valérie en oublie presque son voisin, totalement dépité par ce résultat : « Et qu’est ce qu’on va faire maintenant ? » soupire-t-il, la tête dans les chaussettes – point important ici, l’homme est doté d’une certaine souplesse. Elle s’allonge de l’autre côté du lit, ne souhaitant pas partager une nuit de plus sa chambre avec un autre incapable de prendre son destin en main. Son sourire narquois laisse craindre le pire, elle saisit alors son I, et lance son application préférée. Il est 22h22, Valérie tweete : « S’il la tire aussi bien que les attaquants brestois… ».

Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou 
ayant existé ne saurait être que fortuite. Et au cas où vous avez oublié votre second degré, la sortie est en haut à droite, le bureau des pleurs juste en dessous sur la gauche.

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