Ce sera une première. En 2019, Madagascar participera à la Coupe d’Afrique des Nations. Sa sélection fait la fierté de tout un pays, après une qualification obtenue lors de la trêve internationale d’octobre. 2 matchs parfaitement négociés contre la Guinée Équatoriale, avec 2 victoires 1-0 à chaque fois. Cela suffit à faire le bonheur de tout un peuple. Le capitaine, Faneva Andriatsima, par ailleurs attaquant de Clermont, a accepté de revenir, pour nous, sur cette semaine historique.
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MaLigue2 : Faneva, prenez-vous conscience de la portée historique de votre performance ?
Nous prendrons conscience de cet exploit le 18 novembre prochain contre le Soudan, chez nous. Je pense que ça sera vraiment là que nous communierons avec le public. C’est un grand exploit, oui, que de se qualifier au bout de 4 matchs seulement. De plus, nous n’avions jamais gagné 2 fois à l’extérieur de rang. En plus, je tiens à rappeler que le coach est également sans contrat, il fait ça bénévolement. Je lui dis un grand bravo également.
Dans le vestiaire, l’ambiance n’était pas totalement folle ?
Il y avait 2 sentiments. Bien évidemment de la joie, mais je pense que nous n’avons pas pris la mesure de la qualification sur le moment. C’était un peu bizarre. Là, ça sera le feu contre le Soudan.
Racontez-nous un peu votre folle semaine et notamment ce premier match, où vous avez marqué.
C’était un contexte particulier, car piégeux. Après, nous étions assez sereins. Nous savions que nous pouvions faire un résultat là-bas. En plus, nous sommes tombés sur une centaine de Malgaches à notre arrivée en Guinée. Heureusement, car rien n’a été simple. Nous sommes restés bloqués 4 heures à l’aéroport. Je tiens donc à remercier la délégation. Sans eux, nous n’aurions pas pu faire ce résultat. Les Malgaches présents connaissaient la ville. Ils ont pu nous trouver un terrain synthétique pour que l’on puisse s’entraîner en vue de ce match très important.
Et puis, il y a eu la préparation de ce second match…
Là aussi, ce fut compliqué. Notre fédération avait prévu que l’on prenne le même avion que nos adversaires, c’est à dire le dimanche à 13h30. Nous sommes arrivés à 7h à l’aéroport et on a appris que l’avion était annulé… Bis repetita le lendemain. Nous sommes donc partis à 14h le lundi pour arriver à Madagascar à 23h. A quasiment 12h de notre match retour. Cela a permis de souder encore plus le groupe.
Le groupe, justement, a écrit une énorme page dans l’histoire de votre sélection. Qu’est-ce qui fait la force de cette génération ?
Nous sommes 5-6 anciens dans la sélection, comme moi ou encore Lalaïna. Cette génération est un mélange avec les bi-nationaux. Ce mélange nous donne cette force collective. L’apport des bi-nationaux est primordial, car nous avions, avant, une équipe assez faible. Désormais, notre homogénéité n’est pas mal du tout. Nous vivons très bien ensemble. Je pense aussi aux apports de Thomas Fontaine et Jérôme Mombris. Ils nous amènent de la sérénité tactique.
Désormais, quels sont les axes de progression de la sélection ?
La sélection est devenue un modèle pour tout le monde. Ce n’était pas facile d’évoluer au sein d’une sélection amateur. Nous passons progressivement vers le semi-professionnalisme. Nous n’y sommes pas encore. Notre objectif est de nous professionnaliser. C’est important, aussi, pour notre pays assez pauvre d’avoir de la visibilité par le biais du football. Cette vitrine doit profiter aux plus jeunes. J’espère, en tout cas, que ça ne sera pas la dernière CAN !
Que vous manque-t-il pour vous professionnaliser ?
L’organisation. Ce n’est pas une question d’argent. On doit être encore plus rigoureux. Nous n’aurions pas pu aller à la CAN si nous, joueurs, n’avions pas forcé quelques décisions. Nous avons, par exemple, organisé des matchs amicaux pendant la campagne de qualification. Cela a permis de créer notre cohésion. Sans cela… Et puis, nous jouons pour l’amour du pays. On ne touche quasiment pas d’argent.
Après le second match, vous avez été cité dans un fait-divers. Votre voiture s’est retrouvée bloquée dans une manifestation. Que s’est-il passé ?
En quittant le stade, après le match, nous voulions organiser un petit repas entre les joueurs. Le coach a pris une voiture et je l’ai suivi derrière. Et puis, nous sommes tombés sur une manifestation des élèves de l’école polytechnique, par rapport à l’absence d’électricité qui paralysait leur progression. Du coup, la route s’est retrouvée bloquée. Je suis descendu de voiture pour parler avec eux. D’ailleurs, je viens de lancer un crowdfunding pour eux. Qui plus est, nous avons, chaque joueur, reçu 250€ de primes pour la victoire à domicile. Nous avons tous décidé de verser la prime à l’école pour lui acheter du matériel afin que les élèves aient un minimum de confort pour exercer leurs études.
Revenons au sportif, quelles seront vos ambitions à la CAN ?
Nous avons déjà atteint notre objectif. Le reste, ce n’est que du bonus. Y participer, c’est magique. Nous tenterons d’aller le plus loin possible. Nous sommes 28 équipes en lice quand même… On est déjà content de la qualification. Nous donnerons tout pour que les Malgaches soient fiers de nous.
Un mot sur votre début de saison à Clermont, où vous jouez, mais où il vous manque encore ce petit but…
Depuis mon arrivée, je suis déjà parti 2 fois en sélection. Je suis très content de mon arrivée en Auvergne. J’enchaîne les rencontres. Cela m’offre du rythme. J’attends mon but, mais je pense que ça va venir. Je me sens en tout cas très bien physiquement. J’ai débloqué mon compteur en sélection, j’espère bientôt le faire en club.
Propos recueillis par Laurent Mazure