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Pierre Ferracci « Des réformes brutales et inadéquates »

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Pierre Ferracci, président du Paris FC

Suite de notre entretien avec le président du Paris FC, Pierre Ferracci. Après le mercato, la formation et les ambitions du club parisien en Ligue 2, passons au sujet brûlant de la réforme des montées/descentes en Ligue 2.

MaLigue 2 : La réforme mise en place par la LFP peut compliquer les choses dans vos projets de montée à terme ?

Pierre Ferracci : J’en ai parlé avec Frédéric Thiriez à Charléty vendredi lors d’un évènement sur la préparation de l’Euro 2016. Je lui ai dit que ça me paraissait contradictoire avec ce qui avait été proposé lors de la dernière assemblée générale de la Fédération, où Noël Le Graët et lui avaient dit qu’on décalait d’un an en mettant en place un groupe de travail. Il y a aujourd’hui une sorte de putsch qui ne me paraît pas raisonnable.

On sort du National, où il y a 4 descentes pour 18 clubs ! Tout ça parce qu’il y a 3 ans, on nous a demandé de passer de 20 à 18 en nous disant qu’on passerait de 4 descentes à 3, comme les groupes de CFA. Sauf qu’ils ne sont jamais passés de 4 à 3 ! Quatre descentes sur dix-huit clubs, c’est énorme ! Et là j’arrive en Ligue 2, comme le Red Star et Bourg, on me dit au dernier moment qu’il n’y a plus 3 montées mais 2, par contre toujours 3 descentes : ce n’est pas ainsi qu’on fait fonctionner le système. Il faut le repenser dans sa globalité, de la CFA2 à la Ligue 1, faire quelque chose de cohérent et pas par petits bouts, c’est tout et n’importe quoi !

« La Ligue 1 la plus protégée d’Europe et le National le plus exposé »

Résultat des courses aujourd’hui : on a la Ligue 1 la plus protégée d’Europe, 20 clubs et 2 descentes vous ne trouverez cela nulle part ailleurs ! Et à l’opposé, vous avec le championnat de National qui est le plus haut niveau amateur, qui est le plus exposé d’Europe, 4 descentes pour 18 clubs. Cherchez l’erreur… On voudrait symboliquement couper ces deux mondes qu’on ne s’y prendrait pas autrement.

Angers montee
Le SCO Angers, 3ème de Ligue 2 cette saison, l’aurait-il déjà oublié ?

Justement, n’est ce pas là un des buts recherchés ?

Je n’oublie pas d’où je viens : je ne vais pas défendre, parce que je suis en Ligue 2, des choses qui sont contre le monde amateur. Et si un jour, comme je l’espère, je suis en Ligue 1 ; je n’oublierai pas que je viens de Ligue 2.

Vos collègues semblent l’avoir oublié…

Bien sûr, mais ce n’est pas comme cela qu’on construit ! On est dans un monde de compétition, il faut en accepter les règles. Elles sont parfois rudes, c’est pour cela qu’il faut faire en sorte qu’économiquement il n’y ait pas trop de catastrophes quand il y a des relégations. Les anglais ont 20 clubs en Premier League et 24 en Championship, ils n’en meurent pas et le football se porte plutôt bien économiquement.

J’ai l’impression que certains présidents de Ligue 1 ont peur que le gâteau ne s’élargisse pas, et ils se disent que moins ils sont nombreux autour de la table, mieux ils se portent !

Concrètement, une action avec les autres présidents de Ligue 2 est-elle envisagée ?

Je ne connais pas encore tous les codes mais ça arrivera vite, s’il y a des actions collectives qui ont du sens, on sera forcément dans le coup. Il faut qu’elles prennent bien en compte le problème dans sa globalité : que la Ligue 2 n’oublie pas non plus le National et le monde amateur. Il y a un devoir d’exemplarité quand on est en tête du peloton, qui consiste à ne pas oublier ceux qui sont derrière. Mais on ne peut pas changer les règles tous les matins et au tout dernier moment : j’étais à l’AG de la Fédération pour la première fois, Noël Le Graet et Frédéric Thiriez annoncaient la paix des braves ensemble et 15 jours après patatras !

La joie des gaziers victorieux du derby
« Il faut acceptr que le Gazélec monte en Ligue 1 »

C’est aussi ça la découverte du monde professionnel, malheureusement…

Dans ma vie professionnelle, je combats les inégalités sociales et m’occupe de restructurations parfois difficiles : j’ai envie de garder les mêmes valeurs dans le football et ne pas régler des problèmes d’ordre économique en accentuant les inégalités et opposant deux mondes. Certains rêvent peut-être d’une Ligue fermée, ça me paraît anticonstitionnel, pas en harmonie avec ce que font nos pays voisins et contre l’esprit sportif.

« Des méthodes brutales et inadéquates »

Esprit dans lequel les notions de victoire et défaite sont inhérentes…

Il faut accepter que le Gazélec monte en Ligue 1, que Bourg Péronnas soit en Ligue 2 : qu’on impose des contraintes pour se structurer et qu’on laisse le temps aux clubs pour s’y adapter, je suis totalement pour. Mais là on tombe dans des méthodes brutales et inadéquates. La réforme du football français est quelque chose qui prend du temps, qui nécessite des investissements dont le rendement n’arrivera que plus tard et j’ai l’impression que certains veulent aller plus vite que la musique.

Et les clubs qui ont failli se « casser la gueule » ces dernières années ne sont pas des petits mal structurés…

On a été repêché il y a 3 ans suite à 3 dépôts de bilan : Sedan et Le Mans étaient en Ligue 2 et ont été retrogradés. On a vu Lens aussi en grande difficulté financière. Je ne pense pas qu’il s’agisse de petits clubs…

C’est aussi pour ça que quelqu’un comme Jean Michel Aulas me décoît : il a fait un travail extraordinaire avec son club, sa stratégie de club a toujours été remarquable et a parfaitement fonctionnée. Mais quand il parle du football français, on a l’impression qu’il tombe dans les mêmes travers que les autres. Il faudrait qu’il applique au football national ce qu’il a fait à Lyon : des investissements de long terme et donner l’exemple au football français. J’attends de quelqu’un d’aussi remarquable qu’il serve de locomotive au football français.

Malheureusement, la Ligue 2 semble être en train de payer les pots cassés d’un conflit entre la Fédé et la Ligue…

On sait très bien qu’il y a des préoccupations électorales à venir qui conditionnent le comportement des uns et des autres. C’est un peu dommage.

 

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