L’entraîneur du Clermont Foot, Régis Brouard, nous accorde un entretien exclusif quelques jours avant de rencontrer le Racing Club de Lens.
Ma Ligue 2 : L’année passée, après des débuts difficiles avec Clermont, vous disiez «être surpris par le niveau technique de la Ligue 2, que vous trouviez très moyen »…
Régis Brouard : Toutes les équipes sont très bien organisées, tout le monde est axé sur le travail défensif avec la volonté de contrer. Si nos résultats sont bons cette année, il reste encore, à mes yeux, un manque de maîtrise collectif sur l’aspect technique. Et je pense que le niveau technique de la Ligue 2 reste très moyen.
Vous vous êtes donc adapté en reniant certains principes de jeu qui vous étaient chers à Quevilly ?
Oui, je me suis adapté. Le propre du métier d’entraîneur, c’est de savoir s’adapter, par rapport aux effectifs à disposition et aux qualités des joueurs. J’étais très axé sur le jeu, je me suis rendu compte qu’en Ligue 2 ce n’est pas toujours nécessaire et que malheureusement, pour le plaisir des choses, il est souvent plus intéressant de contrer l’adversaire.
Justement, en parlant de comparaisons avec le monde amateur : existe-t-il une différence majeure dans la gestion humaine de joueurs professionnels ?
Dans le monde professionnel, il faut surtout faire la différence entre l’être humain et le joueur. Chez les amateurs, on peut intégrer l’être humain au joueur, et le joueur à l’être humain. Ils sont peut-être plus concentrés car ils vivent le football comme une découverte.
On est aussi obligé de s’adapter dans les relations. Dans le monde amateur, on peut avoir des relations « privilégiées », parce que vous entretenez des rapports moins professionnels, hors du contexte travail. Dans le milieu professionnel, les joueurs sont dans la gestion de leur carrière, et l’entraîneur doit intégrer cela pour manager son effectif.
Pour l’entraîneur, il y a donc des choses à intégrer, certains discours qu’on ne peut pas porter comme à des amateurs.
Et qu’en est-il de la considération du coach par les joueurs ?
Je sais pertinemment que les joueurs nous jugent en permanence. Sur les séances d’entraînement, l’aspect tactique, ce qu’on va mettre en place au niveau du jeu… Ils mettent le staff technique à contribution, testent aussi. S’ils peuvent nous mettre en difficulté, ils ne se gênent surtout pas. Avec le temps, à travers certaines décisions fortes – comme l’an passé où j’avais écarté Jean-François Rivière – on acquiert une certaine autorité vis-à-vis d’eux, qui peut permettre de se faire respecter.
Et qu’en est-il du rôle d’éducateur ?
J’essaye de faire comprendre à mes garçons que s’ils ne se donnent pas les moyens maintenant, ils vont le regretter une partie de leur vie. Beaucoup de garçons sortent de grands clubs mais n’ont pas su exploiter leurs qualités, il faut qu’ils apprennent que joueur professionnel c’est un métier, un investissement au quotidien. J’essaye de leur inculquer cette forme d’exigence, tout le temps.A leur âge, ils sont dans un cocon mais parfois je me dis « Quel gâchis ! » Je leur répète tous les jours qu’aujourd’hui un joueur moyen peut jouer en première division. Et pourquoi pas eux ? Quand on voit les nombreuses réserves de clubs pro évoluer en CFA2 et entendre que ce n’est pas bien grave, je suis outré !
C’est à cause des jeunes ?
C’est le mal de la formation française, on ne leur apprend pas l’obligation du résultat, l’exigence de la performance. Du coup, ils n’ont pas l’habitude de se comporter en compétiteurs. Et l’écart entre ce qu’on leur a expliqué pendant des années et le monde professionnel est là.