Le FBBP 01 a rejoint le championnat de France de Ligue 2 l’an dernier, une première historique pour ce club et tout le département de l’Ain. Après avoir largement assuré à tous niveaux durant cette première saison, le club burgien s’apprête à entamer sa deuxième saison en L2. En stage de préparation à Bellecin, nous sommes allés à la rencontre du manager général du club, Vincent Poupon, pour un long échange sur le développement du football professionnel à Bourg-en-Bresse.
MaLigue2 : Après un an en Ligue 2, comment préparez-vous cette deuxième saison dans le monde professionnel ?
Vincent Poupon: L’an dernier, on est rentré dans ce nouveau monde avec beaucoup de choses à gérer et nous sommes dans la continuité du projet de professionnalisation du club. Même si c’est toujours aussi dense, on a été habitué dès l’entrée en matière, à ce que le timing soit hyper serré. Nous avons eu tellement d’exigences à mettre en place, que cette deuxième année arrive malgré tout plus sereinement. L’intersaison dernière, nous sommes passés d’association sportive à société commerciale, passés devant la DNCG, allés chercher le statut professionnel historique pour un club de l’Ain, nous avons géré le stade de repli, mutualisé le stade Marcel Verchère, environnement culte du club de rugby. En marge de tout cela, il fallait structurer l’équipe et mettre en place une organisation administrative et financière, pour s’installer sereinement dans ce monde professionnel. On y est allé comme d’habitude, avec beaucoup d’humilité et en essayant de garder l’équilibre en gérant les situations, tout en se projetant sur des axes de développement.
Quelle a été la méthode employée ?
On a été très prudents, en valorisant les gens en interne qui nous semblaient être des personnes compétentes qui pouvaient se mettre au niveau des exigences du foot professionnel. Un certain nombre de salariés de l’association ont muté vers la SA, en adaptant les fiches de poste en fonction des profils qu’on avait en interne. Et comme à cette époque on est devenu plus attractif, on s’est beaucoup protégé, en externalisant un certain nombre de services sur lesquels nous n’avions pas forcément les compétences, en contractualisant pendant un an avec des prestataires. Si on n’y arrivait pas en Ligue 2, cela permettait d’assurer une éventuelle redescente. C’était notre approche, prudente.
Et aujourd’hui ?
Aujourd’hui, on continue d’externaliser certaines choses, comme la billetterie ou le juridique. Mais on est aussi dans la structuration : un certain nombre de domaines sont en passe d’être professionnalisés, avec notamment le médical sur lequel on a beaucoup évolué. On a aussi recruté un responsable communication/marketing. Je ne souhaite pas avoir une énorme structure, mais plutôt quelque chose à taille humaine. C’est le reflet de ce qu’est notre club, une structure qui constitue véritablement une équipe, comme peut l’être l’équipe professionnelle sur le terrain. Avec des gens légitimes, qui ont une vraie expertise et une polyvalence pour construire ce projet de club.
« Que le département soit fier de son équipe professionnelle »
Le club continue donc de grandir, mais restera sans doute le petit Poucet cette saison ?
Nous sommes dans un développement maîtrisé, y compris économique puisqu’on passera de 5 à 7 millions d’euros de budget. On restera le plus petit, avec la volonté d’arriver à 8,5 millions l’année prochaine d’après notre business plan. Bien entendu, cela sous-entend une structuration fine et pertinente mais on pense y arriver. A côté de cela, on veut également départementaliser notre projet. C’est la première fois qu’il y a un club professionnel dans le département et nous souhaitons par cette présence accompagner tout le football amateur derrière nous. On veut que le département soit fier de son équipe professionnelle.
Vous avez la particularité d’avoir opté pour une co-présidence…
On a récemment fait évoluer la gouvernance : notre président historique Gilles Garnier est toujours là, mais on a l’arrivée de notre actionnaire principal Patrick Martellucci, au club depuis trois ans, qui va prendre plus de responsabilité. On arrive sur une co-présidence, ce que j’appelle une gestion intelligente de notre modèle de gouvernance. Les gens n’arrivent pas dans ce club en se disant « C’est moi qui décide » car il y a un passé, des gens qui ont mouillé le maillot durant des années et on a besoin de tout le monde. On est dans une double réflexion de continuer avec les gens qui ont construit ce club en amenant des idées et de l’expertise nouvelles pour développer notre projet. Les co-présidents auront des missions précises, je pourrais compter sur eux au quotidien avec un conseil d’administration qui valide les grandes orientations de la stratégie de club.
Votre politique sportive se calque sur ce modèle administratif ?
On est en train de construire un groupe, on n’est pas en train de communiquer sur une image de groupe ; on veut être un groupe. C’est facile de renvoyer une image, nous préférons l’être. Je conversais ce matin avec Jimmy Nirlo, l’un des cadres du groupe, pour prendre son sentiment sur le stage et connaître les besoins du groupe pour que ça fonctionne encore mieux. Et de mon côté, je lui donne des informations sur l’évolution du projet de club. C’est un partage, on construit le projet ensemble et tous les éléments du puzzle, toutes les personnes sont importantes dans le projet. Chacun a son domaine de compétence, chacun doit être et rester à sa place, mais comme on n’a pas de problématique d’égo, chacun joue sa partition en restant persuadé que nous pouvons tirer notre épingle du jeu. La communication d’Hervé Della Maggiore en est également le reflet : il sait qu’on est le plus petit budget de Ligue 2, il le subit parfois mais il fait face et l’assume complètement.
« Quand quelqu’un veut partir du projet, il ne faut pas le retenir »
Vous subissez toutefois des départs sportifs importants durant cette intersaison. Comment lutter contre les autres clubs de Ligue 2 ?
Quand quelqu’un veut partir d’un projet, il ne faut pas le retenir. C’est contre-productif. Nous avons certains moyens pour développer notre projet, et c’est avec ceux-ci que nous allons le construire. On ne va pas mettre en péril notre projet en tentant des choses qui ne seraient pas dans la nature du club : on a une grille salariale, liée au statut du joueur, à son intériorité dans le projet, ses performances, qui nous paraît être assez cohérente et que nous souhaitons respecter. C’est un axe important de la politique sociale vis-à-vis des salariés du club, on ne va pas aller sur des montants de rémunération qui « pèteraient » cette grille salariale et nous poseraient plus de problèmes qu’autre chose.
Les agents de joueurs entendent ce discours ?
On dit aux agents qui nous sommes, ils savent donc où ils mettent les pieds et ce qu’ils peuvent ou ne peuvent pas faire. On a une relation relativement bonne, nous sommes clairs dès le départ. On a besoin de faire savoir qui on est.
Finalement, le FBBP 01 ne serait-il pas en train de développer un nouveau modèle dans le monde du football professionnel ?
Quand on est arrivé dans ce monde-là, qu’on ne connaissait pas, on a eu notre vision des clubs professionnels déjà bien en place. Il y a quelques mois, j’ai pris contact avec Olivier Pickeu au SCO Angers, parce que ce qu’ils font là-bas m’interpelle. On ne se connaissait pas, je lui ai demandé de pouvoir venir quelques jours. Il a trouvé mon approche assez surprenante mais m’a très bien reçu, on a beaucoup échangé sur leur projet. On ne vit pas en vase clos, on s’ouvre vers l’extérieur et malgré le travail infernal interne au quotidien, on doit se tourner vers l’extérieur pour voir ce qu’il s’y passe. J’ai choisi Angers, j’aurai peut-être pu choisir Guingamp, et j’ai pris pas mal d’idées qui permettent de construire la réflexion. Nous avons les mêmes problématiques sur le recrutement, malgré le fait que ce soit un vrai bon club, ils ne peuvent pas recruter en Ligue 1 et se tournent vers la Ligue 2. On fait pareil avec le National.
Tous propos recueillis par Philippe Dard, à Bellecin