Le début de l’ère Capton-Oaktree au SM Caen avait été mouvementé, flirtant même avec la relégation en N1. Après deux années de sérénité retrouvées et une montée en puissance au classement avec Stéphane Moulin, Malherbe est de nouveau entré dans une grande zone de turbulences depuis le départ du coach cet été. Le choix de Jean-Marc Furlan pour lui succéder n’a pas amené les résultats, ni l’image escomptés. Pourtant, en embauchant le recordman des montées en Ligue 1, les dirigeants normands savaient pertinemment ce qui les attendaient. Autopsie d’un échec pour les deux parties au lendemain de la mise à pied du technicien après seulement 13 journées de championnat.
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Jean-Marc Furlan aura tenu un peu plus longtemps que Rui Almeida. En 2019, le technicien portugais, entêté dans un 3-5-2 pas adapté à son effectif, payait cher son début de saison chaotique et prenait la porte dès le 28 septembre, après 9 journées. Cette saison, JMF aura repoussé l’échéance un peu plus longtemps, mais le couperet semblait là aussi inévitable. Non seulement par la série inquiétante actuelle de neuf matchs sans victoire (3 nuls, 6 défaites), mais surtout par une communication de plus en plus outrageuse et déconnectée de la part du technicien de 65 ans. Pour autant, les décideurs Olivier Pickeu (président) ou Yohann Eudeline (directeur sportif) ne peuvent pas être surpris de la tournure des événements. Car le coach a répété exactement la même méthode, et a adopté la même comm’ que lors de sa dernière expérience à Auxerre, conclue avec pertes et fracas en Ligue 1 l’an dernier.
Jean-Marc Furlan, une méthode sur trois ans… mais une arrivée sans adjoints
Jean-Marc Furlan n’est pas du genre à renier ses principes de jeu, ni sa philosophie. Encore moins les années passant. Avec 5 montées en Ligue 1 à son actif, l’entraîneur peut se targuer d’avoir une méthode de travail qui fonctionne, et qui a fait ses preuves à ce niveau. Souvent, son effectif obtient le précieux sésame lors de la 3e année, comme à Brest et à Auxerre dernièrement. Comme toujours, le coach demande du temps. Répétant sans cesse que l’équipe doit performer au moment du « money-time », lors des 10 derniers matchs. Mais quid du retard accumulé en amont ? Ses prises de parole à ce sujet ont tourné à l’obsessionnel ces dernières semaines, frisant un peu le ridicule et irritant les supporters plutôt en quête d’un coup de poing sur la table pour secouer les troupes devant la mauvaise spirale. « Je n’ai pas peur de prendre trop de retard avant le printemps. Le championnat est long et très complexe. L’année dernière, Sochaux était dans les trois premiers pendant huit mois, avant d’exploser », disait encore par exemple JMF avant la défaite à l’ESTAC (2-1), une équipe sans succès depuis 10 matchs.
Persuadé d’être dans le vrai, Jean-Marc Furlan n’a pas réussi à emmener dans son sillage ses nouveaux adjoints, hérités de l’époque Moulin. Un choix étonnant de la part des dirigeants Malherbistes que de vouloir créer un mélange avec un coach aussi borné dans ses idées, et pas vraiment ouvert à changer de méthode. Un coach ne fonctionne d’ailleurs jamais seul, et s’ils sont souvent dans l’ombre, les assistants sont primordiaux dans la réussite d’un projet. L’absence d’un Michel Padovani, par exemple, aura sans doute eu beaucoup d’impact dans la gestion du groupe au quotidien.
Les coups de gueule de Romain Thomas, les jeunes critiqués publiquement
S’il n’est pas irréprochable sur le terrain à l’image de ses coéquipiers, le capitaine Romain Thomas a toujours fait le job avec les médias pour analyser les raisons des échecs répétés lors des dernières semaines. Parmi les griefs remontés par le défenseur envers son coach : des séances d’entraînement un peu light tactiquement à son goût, et une gestion physique pas adaptée. Extraits : « Les problèmes défensifs, ce sont des choses que le coach a pointées du doigt depuis le début de la saison. On fait avec ce qu’on nous donne aussi. La semaine est basée normalement sur le jeu, beaucoup de jeu de conservation. C’est animé, rythmé, mais c’est très rare qu’on prenne le temps de faire un travail tactique arrêté sur les choses demandées. C’est vrai que ça pourrait être plus par moments ». Ou encore : « Sur le terrain, on ne triche pas, je sens les gens impliqués. On fait ce qu’on peut avec nos moyens physiques actuels. C’est au staff aussi de se poser les questions sur comment améliorer les choses. »
La fameuse mayonnaise n’a pas pris entre les cadres déjà présents de l’ère Moulin, et Furlan, malgré la présence de soldats comme Autret, Coeff ou Le Bihan comme relais. Un recrutement on imagine aisément plus ou moins imposé par le coach. Passée l’euphorie des premiers matchs, le premier accroc à Laval (2-1) a complètement déstabilisé l’édifice, qui a sombré dès les premières difficultés. Autre rengaine qui cristallise les tensions : les piques répétées de l’entraîneur envers « les jeunes« . Alors que Caen est historiquement un club formateur, le discours et le négativisme permanent du chef de file autour de leur présence interroge. « Par rapport à ce que je vis et ce que j’ai vécu dans les autres clubs, c’est un peu logique que nous soyons 10e ou 11e. Pourquoi ? Parce qu’il y a de nombreux jeunes. Si tu veux aller dans les 3 ou 4 premiers, il te faut des joueurs très expérimentés ». Une énième sortie difficilement justifiable après Troyes (l’équipe la plus jeune alignée cette saison était de… 27,5 ans de moyenne d’âge), qui aura sans doute coûté sa place au technicien, jamais en phase finalement avec le souhait de ses dirigeants de promouvoir les jeunes talents issus du club.
Une communication qui dépasse les limites
Au-delà de l’échec sportif, c’est surtout en-dehors des terrains et devant les micros que Jean-Marc Furlan a fait perdre patience à sa hiérarchie. « Sa communication n’est pas bonne. Cela fait partie des premiers sujets sur lesquels on s’est accroché. Je lui ai dit et redit : tout le monde s’amusait de ses histoires de casquette à l’envers et de doigt d’honneur, mais ça ne ressemble pas aux valeurs du SM Caen. Il faut être extrêmement attentif à cela (…). », alertait l’actionnaire Pierre-Antoine Capton dans Ouest-France. Réponse du principal intéressé quelques semaines plus tard après une période de réflexion de trois matchs lancée à son sujet : « Je m’en bats les cou… Je m’en fiche ». Une nouvelle sortie outrageuse et polémique que le patron a dû apprécier. Mais là encore, rien de nouveau : JMF était déjà un habitué de ce genre de propos à Auxerre, et c’était peine perdue de penser pouvoir faire rentrer dans le rang un coach atypique, très franc, mais de moins en moins audible pour les observateurs, les supporters et le grand public avec des attaques répétées et hors-sol contre les arbitres, la défense mise en place par l’ancien coach Moulin, ou les jeunes.
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Au final, Jean-Marc Furlan n’a jamais semblé trouver de véritable flamme dans ce nouveau challenge normand. A la différence de Brest et Auxerre, il a cette fois hérité d’un effectif qui tournait bien, avec un public déjà très attaché à son équipe, et ce contexte ne lui a pas permis de justifier la prise de temps nécessaire à la mise en place de sa méthode. Le SB29 et l’AJA étaient dans une situation délicate avant son arrivée, et voyaient en lui le coach idoine. Totalement esseulé et sans remise en question de sa méthode auprès de son groupe ni de sa communication auprès de ses dirigeants, Jean-Marc Furlan s’est finalement tiré une balle dans le pied. Il n’a pas su emmener tout l’environnement de Malherbe derrière lui. La séparation était devenue inéluctable, certes, mais la faute doit être partagée avec les dirigeants qui n’ont pas su mesurer l’impact de leur choix l’été dernier.