Depuis la fin d’année 2015, les trois principaux groupes de supporters du Stade Brestois se sont mis d’accord pour cesser d’encourager leur équipe. Une grève motivée par les résultats mitigés du club breton (9e), autant que par la présence sur le banc d’un coach dont ils ne veulent plus. Le stade Francis Le Blé sonne creux depuis des semaines, la conséquence d’un bras de fer entre fidèles de la tribune « RDK » et le président Yvon Kermarec, qui ne compte pas céder à la pression du silence les soirs de match. Une situation dommageable pour le SB29, et pour le moment dans l’impasse.
22 Mai 2015. Au soir de la 38e journée de Ligue 2, le Stade Brestois termine par une défaite à Clermont (0-1) et finit en 6e position, à 7 points du podium et de la Ligue 1 longtemps envisagée. Un échec et une deuxième partie de saison ratée mal vécus par les supporters, avec comme principal fautif à leurs yeux l’entraîneur, Alex Dupont. « On aurait aimé qu’il parte à ce moment-là, d’autant que dans ses discours, il a eu tendance à minimiser la montée manquée« , explique Max, rédacteur pour le site Allez Brest et abonné à Le Blé depuis 12 ans, dont 7 en tribune Kemper.
La tribune Kemper, ou « RDK », est le poumon de l’antre brestoise. Là où derrière le but se situe le kop, garant de l’ambiance. « A Brest, c’est un public de passionnés. Avec la spécificité de la tribune proche du terrain, c’est une atmosphère particulière et cela met la pression sur les adversaires et pousse l’équipe à se surpasser. Ce n’est pas ce qui fait une montée, mais c’est ce qui te fait gagner des matchs. A part Lens et Metz, il y a peu d’équivalent en Ligue 2« , témoigne Thomas Lavaud, journaliste pour France Bleu Breizh Izel et commentateur de toutes les rencontres du SB29.
« C’est vraiment frappant »
Seulement voilà, depuis la fin d’année 2015, Francis Le Blé est bien silencieux. Échaudés par la montée ratée la saison dernière, par le maintien d’Alex Dupont sur le banc et par des résultats mitigés en 2015-2016 avec un investissement des joueurs qu’ils jugent insuffisant, les trois principaux groupes de supporters (Ultras Brestois, Celtic Ultras et Hermine 29, situé en tribune Arkéa attenante) ont décidé ensemble d’une grève des chants et des encouragements. « Que tout le monde se mette d’accord pour cela, et pas seulement les Ultras, c’est vraiment frappant« , constate Thomas Lavaud.
Une situation dommageable que « regrette » le président Yvon Kermarec. Mais le patron du SB29 n’entend pas changer de cap pour autant. « Si les supporters décident de la grève, rien ne peut les empêcher, on est en démocratie. Ils veulent imposer leur choix par rapport au coach sans connaître les tenants et les aboutissants. J’ai aussi une personnalité et je tiens mes engagements. Je regrette autant qu’eux ce qui se passe, mais on essaye d’être le plus performant possible. Un joueur qui se fait siffler, qui subit la bronca… vous pensez qu’il va être bon ? On a besoin de sérénité. En Angleterre, il n’y a pas cette façon de voir les choses. Le supporter doit soutenir son équipe. »
« Le public ne se reconnaît plus dans l’équipe »
Si l’on s’en tient aux résultats bruts, cette grève n’impacte pourtant pas tant que cela les joueurs avec un nul contre l’ancien leader Nancy (1-1), puis deux victoires consécutives (contre le Paris FC et Bourg) en 2016 à Le Blé. Mais une réunion a eu lieu récemment entre certains membres de l’effectif et les supporters. « Nous ce qu’on souhaite, c’est qu’ils reviennent vite, on a besoin d’eux« , s’est exprimé Bruno Grougi après la victoire contre le PFC (1-0) au micro de France Bleu Breizh Izel. « Le truc, enchaîne Max, c’est que mis à part 4-5 joueurs, le public ne se reconnait plus dans l’équipe. On sait que certains réclament le retour des chants et aussi du dialogue, ce que la direction nous refuse. Et le ras le bol et l’irrespect sont tels que la grève est le seul moyen des supporters pour se faire entendre ». Cet arrêt des chants illustre en effet une vraie fracture entre les fidèles de la RDK et la direction du club. Max abonde : « Historiquement, on a toujours prôné l’échange au SB29. Tant que tu peux discuter, ça va. On avait déjà eu quelques désaccords par le passé avec le président Guyot par exemple, et ça c’était réglé. Donc si Yvon Kermarec fait un pas vers nous, ça peut faire évoluer les choses, mais je n’y crois pas.«
De son côté, le patron brestois plaide lui… le dialogue de sourds. « J’ai reçu les présidents des groupes de supporters pour la dernière fois après la victoire contre Tours (3-0, début novembre 2015 ndlr). Mais c’est toujours le même refrain, avec le phénomène de virer Dupont. Le coach a un contrat à durée déterminée et tout le monde était d’accord à son arrivée. Il a fait une super année civile 2014 avec 72 points. Ce n’est pas à eux de décider, il faut que chacun reste à sa place. Je laisse la porte ouverte aux supporters, ils ont le droit de s’exprimer. Mais je pense que c’est dans les moments compliqués qu’il faut être derrière son équipe. On a besoin de compréhension, les gens ont la mémoire courte. Quand j’ai repris le club, je me suis donné 3 ans pour le sauver, on avait un besoin de trésorerie de 3 millions d’euros. Aujourd’hui le club a évité le dépôt de bilan et nous sommes toujours en Ligue 2. J’ai du mal à comprendre leur position de ne pas soutenir les joueurs, d’autant qu’ils savent qu’Alex Dupont et moi partons à la fin de la saison.«
« Je voulais simplement discuter »
Récemment, un autre épisode a encore davantage éloigné les deux parties. A l’issue de la victoire face au Paris FC, Yvon Kermarec veut saluer son ancien joueur, Alexis Thébaux, devant la tribune Kemper. Le président prend un refus du gardien parisien. S’en suit une courte vidéo sortie sur les réseaux sociaux, où l’on voit le président repoussé par des stadiers, visiblement très énervé envers des supporters de la RDK. Là encore, les deux versions s’opposent. « Des supporters présents en tribunes ont entendu des insultes de M.Kermarec après avoir été chambré, et il a même dû être évacué par la sécurité« , relate Max. De son côté, le président plaide le malentendu. « J’ai reçu des invectives. J’ai regretté l’action des stadiers. Cela a véhiculé une fausse image de moi quand ils m’ont repoussé. Je voulais simplement discuter avec 2-3 personnes qui eux voulaient passer par-dessus les grilles. En tout cas j’ai reçu de nombreux messages de soutien après cela des partenaires et de certains supporters. Cela fait chaud au cœur dans des moments comme ceux-là. »
Chaque camp se rejette donc les torts. Alors, les joueurs brestois seront-ils privés de chants jusqu’en fin de saison avec ce statu quo, malgré les deux derniers succès à domicile ? Max précise : « Je ne sais pas, cela sera discuté. Néanmoins, l’effort des joueurs vers les supporters (après Bourg, ndlr) pourrait faire pencher la balance, mais cela n’est pas dit. » Thomas Lavaud lui ne voit pas comment la situation pourrait se décanter. « Le fossé entre les associations et la direction est béant. Il reste 4 mois de compétition, et je ne vois pas pourquoi ça irait mieux. Yvon Kermarec est présent au club depuis longtemps, tout comme les groupes de supporters. Ils se connaissent bien. Surtout que Dupont et le président partent à la fin de la saison et sont donc un peu « détachés » de cette grève. On risque d’assister à une saison de transition jusqu’au bout. Par contre dans 6 mois ce sera le gros tournant. La prochaine direction aura les clés pour renouer le dialogue. Car le SB29 a tout à gagner à retrouver son public.«
Dorian Waymel
Crédit photos : SB29 et Carlluis.de
perso je les vois bien arriver là ou ne les attend plus......
ou on ne les attend plus