La Ligue 2 avait déjà un petit accent américain avec Vincent Volpe, le président du Havre AC. Une touche made in USA qui devrait vite se renforcer avec non pas un, mais deux fonds d’investissements qui devraient, sauf retournement de situation, débarquer en deuxième division avec les reprises en cours du Toulouse FC par RedBird Capital Partners, et du SM Caen par Oaktree. Une bonne nouvelle pour notre championnat ? Au premier regard, oui. Le TFC avait besoin d’un nouveau projet après des années d’essoufflement sous l’ère Olivier Sadran, tandis que Malherbe était en proie à des difficultés financières pour pérenniser son avenir dans le monde professionnel.
Malgré tout, l’exemple des Girondins de Bordeaux en L1 et de la défiance actuelle des supporters envers le projet mené par KingStreet interpelle. Quel intérêt ont ces fonds d’investissements à venir en Ligue 2, où l’exposition est déjà relativement faible comparée à l’élite ? « Cela correspond à une opportunité pour eux« , éclaire Jean-Baptiste Guégan, enseignant en géopolitique du sport. « Toulouse et Caen sont des villes avec un bassin de chalandise relativement important, et un marché potentiel pour soutenir l’économie du foot. Et puis, c’est l’occasion pour eux d’acheter dans un moment compliqué pour ces clubs tombés en L2, où le marché du foot a besoin d’argent à la suite de la crise économique liée au Covid-19. Le prix de vente est au plus bas, et ces fonds savent qu’il y a possibilité de remonter en mettant un peu d’argent, où derrière tu peux toucher le jackpot dans l’élite avec les droits TV, avec une visibilité jusqu’en 2024. »
Remonter rapidement pour un retour sur investissement
On l’a compris, le premier intérêt d’un fonds d’investissement est bien sûr financier dans ce type d’opérations. Les Américains ne comptent pas investir à Toulouse et Caen juste par passion pour le football. Mais pour avoir un retour sur investissement et devenir rentable, un projet sportif cohérent est indispensable afin de créer une dynamique pour rallier la L1, alors que la L2 est une division plus homogène que jamais, où seuls deux tickets permettent une promotion directe. « En L2, on sait que les revenus opérationnels ne sont pas très élevés, mais les charges non plus. Avec un projet classique de reprise en visant la montée entre 3 et 5 ans de manière sérieuse et si tu ne fais pas d’erreurs de casting, tu peux vraiment tabler sur une accession, surtout dans deux villes avec une culture foot déjà bien implantée« , poursuit Jean-Baptiste Guégan.
Aujourd’hui, les supporters à Toulouse et à Caen ne sont sans doute pas hostiles à l’arrivée des Américains, car tout nouveau projet de cette envergure est porteur d’espoirs. Mais ils n’en seront pas moins très attentifs à l’évolution de ces projets. Car l’autre point important qui séduit l’arrivée de fonds étrangers, ce sont les centres de formation performants en France. « En L2, le coût d’un centre de formation varie entre 2 et 3 millions d’euros. Donc il suffit de faire une belle vente par saison pour que cela devienne rentable. Les clubs de L2 desservent de plus en plus ceux de L1, ou même les clubs anglais ». Il faudra alors pour RedBird et Oaktree trouver le bon équilibre entre valoriser les jeunes pour réaliser de belles ventes, sans tomber dans l’exode massif des joueurs au plus fort potentiel pour conserver une identité club.
« Les investisseurs ne seront pas là pour 10 ans »
L’exemple à ne pas suivre : celui de Baskonia lors de son passage au à Sochaux, où les supporters ne se reconnaissaient plus du tout en ce FCSM-là. « Les supporters du TFC et de Caen seront prêts à être patients, ils ne demanderont pas des transferts colossaux, mais une gestion intelligente. Donc si tu es très bon en matière de gestion, tu peux faire fructifier un investissement peu élevé de base pour l’augmenter. Par contre il faut être sûr d’une chose« , alerte Jean-Baptiste Guégan, « les investisseurs ne seront pas là pour 10 ans« .
Une assertion qui corrobore à Caen avec les informations de Ouest-France, qui indique que l’actionnaire normand Pierre-Antoine Capton, qui chapeaute le projet de reprise avec Oaktree, serait ensuite prioritaire pour racheter le club en cas de départ des Américains d’ici 7 ans. Ce qui peut rassurer aussi un peu les supporters, c’est qu’Olivier Sadran à Toulouse et Pierre-Antoine Capton à Caen garderaient des parts du club, qui n’appartiendraient donc pas à 100% à ces fonds.
RedBird n’est pas non plus un inconnu dans le monde du sport aux États-Unis avec des investissements aux Yankees de New York ou en MLS, même si cela n’augure en rien de la réussite d’un projet en France. Reste que si Damien Comolli, pressenti pour devenir président de Toulouse, n’a pas forcément réussi partout où il est passé, il connaît néanmoins le football français et son fonctionnement. En tout cas pour ces deux entités les espoirs sont les mêmes : vivre un American Dream en Ligue 2. En espérant que ce rêve ne tourne pas ensuite au cauchemar.