Lundi, les clubs de Ligue 2 ont voté en faveur d’un passage à 18 clubs. Les conseils d’administration de la LFP et de la FFF doivent encore valider cette évolution de la compétition. Pour Samuel Laurent, directeur général du FC Sochaux-Montbéliard, rien ne semble pouvoir l’arrêter.
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MaLigue2 : Nous avons appris que le collège de Ligue 2 s’était prononcé en faveur d’un passage à 18 clubs du championnat à compter de la saison 2024-2025. Quelle est votre position, celle du FC Sochaux-Montbéliard ?
Samuel Laurent, Directeur Général du FC Sochaux-Montbéliard : J’ai délégué ce vote en donnant l’instruction de voter pour, pour plusieurs raisons. D’abord parce qu’on savait que ce serait la tendance et qu’en l’occurrence, il n’y a pas de concertation à long terme dans le collège de Ligue 2. On aurait pu structurer les choses autrement mais il aurait fallu partir de beaucoup plus haut, au moment du passage de la Ligue 1 à 18. Mais en l’occurrence la Ligue 2 n’a jamais eu son mot à dire. Et si j’ose dire, qui aurait refusé, à part des gens qui se sentent en position de faiblesse ? Ce qui n’est paradoxalement pas le cas d’un des clubs qui ont voté contre. C’est la seule anormalité de tout ça mais qui ne voudrait pas partager des droits TV à 18 plutôt qu’à 20. On a des droits TV qui sont déjà scandaleusement bas. Le football français obéit à la même arithmétique que les autres. En Italie on est à 1,2 milliards, 1,3 en Allemagne, 3 milliards en Angleterre… Nous on est à 570 millions. C’est un miracle qu’il reste des clubs professionnels en France, avec le peu qu’on nous laisse en Ligue 2. On a l’opportunité de le partager en Ligue 2 plutôt qu’à 20, ça n’est peut-être pas très charitable mais on n’a pas les moyens, avec tous les malheurs qui nous sont tombés dessus, de faire autre chose.
ML2 : Il y a quelques mois pourtant, le président du Pau FC Bernard Laporte-Fray, évoquait une visioconférence entre présidents dans laquelle réduire à 18 ne semblait pas d’actualité ?
SL : Ce n’était certes pas d’actualité, ça n’était pas gravé dans la roche mais ça a toujours été une évidence. Les choses sont d’une simplicité extrême : les clubs ont une situation financière qui est dramatique parce qu’il n’y a jamais eu de modèle économique viable dans le football. Il y a l’OL qui a un modèle viable mais autrement, les clubs sont mal gérés avec des déficits structurels très importants et des droits TV qui ne viennent pas, comme dans d’autres pays, récompenser une bonne gestion. C’était couru d’avance.
ML2 : Le passage à 18 était inéluctable ?
SL : En Ligue 2, notre voix n’existe pas. Par exemple, le passage à 18 en Ligue 1 , c’est quelque chose qui est très bien pour les clubs de Ligue 1 qui y restent mais qui nous impacte directement. C’est-à-dire que l’année où il y aura quatre descentes, ça va créer une deuxième division dans la deuxième division. On aura des clubs avec des budgets dont on ne peut pas rêver. Il va y avoir une sorte de nouvelle élite qui va se créer et qui mettra des années à être digérée. Ça va créer une perturbation pour la Ligue 2, une onde de choc, insoupçonnable. Cette décision, on l’a subie. Vous savez quand on a 20 mendiants à qui on propose d’en enlever deux pour récupérer le quignon de pain… Le reste c’est de la poésie. Les décisions qui sont prises, l’intérêt de la restructuration du football, je l’abandonne aux présidents de club qui ont une verve plus colorée que la mienne. Mais c’est une affaire bassement financière
ML2 : Quel est votre regard sur l’hypothèse de la création d’une « Ligue 3 » à la place du National 1 ? Est-ce viable d’avoir trois divisions professionnelles ?
SL : Ça n’a aucun sens. On sait que les droits TV viennent déjà de la Ligue 1. On a déjà du mal à nourrir la Ligue 2 et on veut faire une Ligue 3 ? (rires). Ça n’a aucun sens mais en même temps ça en a car, avec la descente des quatre clubs de Ligue 1 et le passage à 18, on va se retrouver avec un haut de tableau qui sera quasiment inatteignable pour la plupart des clubs. On a des clubs avec 10-15 millions d’euros de budget, nous en avons 16 ou 17 mais quand on aura des clubs qui vont descendre avec 35 millions de budget, la configuration sera très différente. De facto, au sein de la Ligue 2, on va créer une compétition entre les clubs « historiques » et ceux qui sont descendus. Bien évidemment, ça passera, ils remonteront où ils perdront leur budget pour redevenir des profils classiques de Ligue 2 mais ça prendra des années. Là on nous sort l’idée de faire une Ligue 3 : on arrive déjà pas à faire vivre la Ligue 2. Quel serait le sens de créer une Ligue encore plus pauvre que la Ligue 2 qui n’arrive pas à survivre ? C’est une pure connerie ! Mais bon, rien ne me surprend dans les instances du foot. pourquoi pas une Ligue 4 tant qu’on y est ?
ML2 : Actuellement, la L2 est diffusée en multiplex sur La Chaîne l’Equipe, en individuel sur Amazon Prime. Êtes-vous satisfait de cette exposition ?
SL : Je pense que c’est dommage parce que la Ligue 2, c’est un peu un autre monde, c’est comme la boxe des poids légers et des poids lourds, ce n’est pas la même boxe. C’est beau à regarder la Ligue 2 aussi. C’est presque pas le même sport. En termes de visibilité, on devrait faire mieux et je suis sûr que si la Ligue avait réussi à s’organiser un peu mieux, il y aurait preneur pour que la Ligue 2 soit plus valorisée. Aujourd’hui ce sont des petits bouts de match, le multiplex de l’Equipe. On n’est pas vraiment immergé dans les matchs.
ML2 : Vous souhaitiez aborder un autre point…
SL : J’avais demandé à ce qu’on soulève un autre débat hier et je ne suis pas le seul : la clé de répartition des droits TV doit être repensée parce que ce n’est pas normal que des clubs qui ont des centres de formations actifs, efficaces et qui coûtent beaucoup d’argent, entre 3 et 4,5 millions et demi d’euros, soient traités comme les clubs qui n’ont pas de centre et qui vont profiter de joueurs formés dans d’autres clubs. Les clubs formateurs doivent être mieux rémunérés que ceux qui ne le sont pas.
ML2 : Vous craignez que d’autres clubs ne suivent le chemin du Nîmes Olympique ?
SL : Exactement ! Vous savez, la formation, à Sochaux, on est un peu reconnus pour ça. Il y a beaucoup de clubs qui sont dans cette situation aujourd’hui. Il va y avoir une déflation du prix des joueurs ; je pensais qu’elle aurait lieu cet été ; parce que tout le monde ne va pas s’exporter. Si on arrive plus, nous, à vendre nos jeunes talents, les centres de formations en France vont être les premiers à en pâtir. Et c’est dommage parce que c’est l’avenir. On voit beaucoup de Français partir en Allemagne ou en Angleterre mais on voit beaucoup moins d’Anglais venir chez nous. Si on n’a plus de centres de formation, on va tuer l’avenir du foot français. Et ça c’est une chose que la Ligue occulte totalement.
Propos recueillis par Étienne Comte