ll y a des hommes dont on juge la valeur à ce qu’en disent les autres. Il y a des hommes dont on juge la valeur, à leur façon de transmettre, de mener ou de guider leurs semblables. Si tous ces constats se vérifient, alors Johan Cavalli est un capitaine de grande valeur. Quand on interroge ceux qui le côtoient au jour le jour, à Ajaccio, certains mots reviennent d’ailleurs plus souvent que d’autres. Vrai, entier, charismatique. Passionné. Contactés par MaLigue2 pour raconter leur Johan Cavalli, Olivier Pantaloni (entraîneur de l’ACA), Benjamin Leroy (gardien de but) et Jean-Dominique Gaziello (chargé de communication) n’ont pas longtemps réfléchi avant de dire oui. Pour donner de leur temps, afin d’évoquer leur meneur de jeu, pour lui rendre un peu de tout ce qu’il a donné, pendant dix années à l’ACA. En effet, le gaucher vient de prendre sa retraite, à 38 ans. Un au revoir en toute discrétion, la faute à ce satané coronavirus, qui l’a privé d’adieux à François-Coty. L’occasion de revenir sur sa carrière, le joueur qu’il a été, et l’homme qu’il est toujours. L’homme d’Ajaccio.
© Photo Péron Photographie
Capitaine, porte-étendard, l’exemple à suivre
Raconter Johan Cavalli n’est pas une chose facile. Ses matchs et les souvenirs qui les accompagnent sont aussi nombreux que les histoires que peuvent raconter sur lui ceux qui l’ont connu. A l’instar de Benjamin Nivet ou Stéphane Darbion à Troyes, il est l’incarnation d’un club, de ses valeurs. Son meilleur étendard et représentant. Un statut qu’illustre Olivier Pantaloni, contant une anecdote révélatrice. « Quand on est en préparation, régulièrement on va en montagne (sur le GR20). Après avoir fait nos six à huit heures de randonnée, on arrive sur le refuge, pour manger et dormir. Après ces huit heures, les deux personnes qui s’occupent du lieu nous tendent un drapeau de l’ACA, un drapeau corse. Elles disent que ce serait bien que certains puissent monter le mettre sur la vieille montagne en face. Ce n’est pas forcément très loin, mais c’est très pentu, et après plusieurs heures dans la montagne corse… Le premier à prendre le drapeau et à partir, c’est lui, c’est Johan. Et ça, vis-à-vis des joueurs qui arrivent, de joueurs qui le connaissent, voilà, c’est Johan. Il est repu quand c’est fini. Quand il y a un besoin de représenter le club, il est là. C’est symbolique bien sûr, d’aller mettre le drapeau au sommet de la montagne. Il part le premier, et forcément tout le monde le suit derrière. C’est un fédérateur. L’exemple que tout le monde suit. »
Halte-là, personne ne triche
C’est peut-être cet attachement viscéral à la Corse, à Ajaccio où il est né, qui décrit le mieux le joueur : « C’est quelque chose que les Corses ont en commun. Ils sont fiers de leurs valeurs, ce sont des gens entiers. Il n’y a pas de faux-semblants, ils ne trichent pas, jouent en plus pour leur ville. Arriver dans une équipe avec des gens comme ça, tu ne peux pas lâcher. Johan, c’est le gars qui va organiser des restos, et tout le monde doit venir. Mais toujours pour créer un truc. Il fait découvrir son pays, sa ville, connaît plein de monde pour t’aider, trouver une maison… Jo c’est quelqu’un pour qui le foot est important, mais l’aventure humaine autour du foot aussi. C’est un personnage qui m’a marqué, avec une ligne de valeurs, qu’il a suivi », explique Benjamin Leroy. Ainsi, cette relation est marquée par la générosité, le fait de donner sans attendre en retour. Mais aussi d’indiquer la voie aux jeunes, aux nouveaux éléments de l’ACA, de les intégrer. Le gardien confirme que l’homme n’est pas du genre à calculer… « Johan c’est un mec qui m’a dit, peut-être que s’il avait pu m’économiser, il aurait pu jouer encore un peu plus… Mais c’est un mec qui ne peut pas s’économiser ! Il est entier. Sur la table de soins, je lui disais mais coupe, pourquoi t’as pas coupé ce matin ? Il répondait « mais je peux pas couper » ». Un joueur qui ne s’arrête jamais, généreux, entier, passionné. A l’image de la Corse, au final.
Cavalli, joueur passionné
Raconter Johan Cavalli, c’est aussi donner quelques chiffres, évidemment. L’Acéiste laisse derrière lui vingt ans de carrière, entamée en 2000 à Nantes et Lorient, continuée à Créteil, Istres ou Nîmes. Il aura même joué trois matchs de Premier League à Watford ! Mais surtout, le milieu offensif fait son retour à Ajaccio en 2010. Près de 280 matchs pour Aiacciu, 31 buts et quasiment 60 passes décisives. Quelques 500 parties professionnelles en tout… Si la simple évocation de son nom fait penser au club corse, elle donnait aussi des sueurs froides aux défenseurs. Et peut-être même à Benjamin Leroy, pendant l’entraînement… « Une des premières séances de finition devant le but qu’on fait quand j’arrive à Ajaccio, il me met deux-trois lucarnes, deux-trois ballons piqués. Au bout d’un moment j’ai eu un doute, je demande aux autres, « mais punaise, il est pas droitier lui, il est pas gaucher Jo ? »… Je ne savais plus, il m’avais mis deux lucarnes avec le pied droit, deux avec le pied gauche… » En effet, comme un Juan Mata ou tant de virevoltants techniciens, le milieu offensif et capitaine du club corse est un petit format (1,70m), inspiré, tout en feintes et provocations. Le genre de joueur à même de vous donner le tournis, d’« épuiser » ses adversaires, pour emprunter le verbe au gardien d’Ajaccio. Un offensif qui « défend aussi énormément ». Un joueur de caractère, enfin, écouté par les arbitres, respecté même si parfois bouillant. Car impliqué jusqu’au bout, passionné, prêt à « mourir » pour ses coéquipiers.
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Le retraité, membre du staff ajaccien…
Un engagement total, mâtiné d’une grande qualité de technicien sur le terrain, donc. Une implication absolue, qui s’accorde aussi au hors-terrain, à l’humain ! Un trait majeur de l’homme, que raconte Jean-Do Gaziello, chargé de communication au club corse. Qui s’excuserait presque d’avoir exploité son joueur toutes ces années… « Johan a été un joueur extrêmement engagé en-dehors du terrain. Je l’ai emmené avec moi sur des actions pour vous dire, associatives, caritatives, à ne plus en compter ! A 38 ans ça a été le joueur le plus sollicité, celui qui est le plus venu. Alors que ça aurait peut-être dû être celui qui se déplace le moins. Mais pas du tout. Johan il m’avait dit dès son arrivée « Des causes qui touchent les enfants, voilà tu me fais un texto une date une heure un rendez-vous, je viens ». Ce ne sont pas simplement des mots, ça a été des actes derrière. D’ailleurs il faut que je me trouve un autre collègue pour les sorties ! »
Désormais, le collègue et capitaine participera potentiellement à l’événementiel, mais coiffera surtout une autre casquette à la reprise. Celle du recrutement, alors qu’il finit de passer ses diplômes de coach. Pour celui qui a arpenté les terrains de Ligue 2 pendant autant d’années, cela semble être un choix logique de la part de l’ACA. Ainsi, Cavalli va apporter toute son expertise et son œil de grand professionnel. « Le fait que Jo soit la première personne que les nouveaux vont voir, c’est super intelligent de la part du club », ajoute Benjamin Leroy. D’ailleurs, meilleur passeur de la dernière L2 avec Auxerre, Mickaël Barreto, rejoint le 3e du dernier championnat… Soulignant l’importance des échanges avec l’ex-meneur de jeu corse dans sa venue ! L’arrivée de Johan Cavalli dans le staff ajaccien semble donc déjà placée sous le symbole de l’efficacité et du sérieux. Pas très étonnant, avec tout ce qu’on apprend sur le joueur.
Ci-dessus, la vidéo d’adieu et d’hommages des coéquipiers de Johan Cavalli tout au long de ses années à l’AC Aiacciu, à l’initiative de Jean-DoGaziello, chargé de communication du club.
…Et futur entraîneur ?
Mais comme indiqué plus haut, Johan Cavalli a passé toute cette année ses diplômes d’entraîneur, et son rôle ne se limitera pas qu’au recrutement. L’ex-joueur touchera vraisemblablement à tout… Du coup, après toutes ces discussions sur son amour du jeu, son goût de la tactique, ses qualités de leader, on se pose une question. Qu’on propose aux concernés : Johan Cavalli futur entraîneur, ça aurait de la gueule, non ? Et Olivier Pantaloni de répondre… « Je vais vous faire une révélation, j’en ai discuté avec lui. Moi je veux qu’il m’accompagne sur les terrains sur certaines séances. Il a un rôle plus large que le recrutement. En fait, il fait partie, du staff technique de l’AC Ajaccio. Il y a le relationnel, il continue aussi de me servir de relais. C’est un touche à tout. » De néo-retraité à adjoint, il n’y a qu’un pas et quelques mois que le jeune retraité pourrait bien franchir. « Je pense qu’il aurait de grandes qualités d’entraîneur, tactiquement c’est quelqu’un de très fin, et je l’ai toujours trouvé très juste dans ses interventions », conclut son dernier rempart ces deux dernières années. Ainsi, le début de sa nouvelle carrière vient conclure celle du joueur, d’un crépuscule non voulu et imposé, par des événements sur lesquels rien ni personne n’avait de prise… Si la nuit est tombée plus vite que prévu, l’aurore promet peut-être d’être superbe pour Cavalli et tout l’ACA.
Johan Cavalli restera en tout cas à jamais une figure du club corse. Au bout d’une carrière de vingt ans, de dix années passées dans sa ville, l’homme laisse une empreinte indélébile. Une aventure qui s’est imprimée dans toutes les mémoires, parce qu’elle est de celles qui s’arrachent au temps, qu’elle est l’odyssée d’un joueur qui dépasse le cadre de son sport. Qui le grandit et le magnifie. Johan Cavalli vient de se retirer des terrains, dans une fin de saison inaboutie peut-être, mais désarçonnante, à l’image du bonhomme. Dans un dernier crochet, un dernier contre-pied. Et puis derrière ce voyage, il va reprendre le fil d’un autre, peut-être déjà entamé par ce qu’il est depuis si longtemps. Un guide, un personnage passionné, passionnant et entier, le capitaine de sa ville. L’homme d’Ajaccio.