Le FC Sochaux Montbéliard vit en 2018 la 90ème année de son existence. L’un des clubs historiques du football français vit pourtant une période trouble et difficile depuis l’arrivée du groupe Ledus à la tête du club en 2015. Son patron Wing Sang Li a décidé ce printemps de confier la gestion du club au groupe espagnol Baskonia-Alaves, s’occupant déjà de plusieurs clubs en Europe comme Hercules en Finlande, ou le NK Rudes en Croatie, que le groupe vient d’ailleurs de quitter.
Une gestion low-cost de la multipropriété ?
Si certains clubs français possèdent déjà des clubs filiales, comme l’AS Monaco avec le Cercle Bruges en Belgique, l’arrivée de Baskonia Alaves au FCSM est une première dans le football français. Le patron du club confie la gestion de son entité sportive et administrative à un groupe externe, déjà gestionnaire d’autres clubs en Europe. Nous sommes en plein dans le cadre de la multipropriété.
En quelques semaines, la nouvelle direction espagnole a donné le ton : arrivées massives de nouveaux joueurs en provenance de l’étranger, et pour moitié du club du NK Rudes en Croatie, où officiait également le coach José Manuel Aira. A l’inverse, de nombreux joueurs en fin de contrat quittent le club sochalien, sans proposition de renouvellement. Si le club se défendra publiquement de ne pas avoir fait de proposition concrète à certains joueurs, le discours du directeur sportif David Vizcaino sera plus explicite à la reprise de l’entraînement : « Il y aura des arrivées dans les prochains jours, mais aussi des départs, comme celui de Jean Ruiz à qui il ne reste qu’une année de contrat et qui ne veut pas prolonger. »
Des baisses de salaires ou départs ?
Jean Ruiz est l’un des symboles de la politique sportive qui semble se dessiner au FCSM : vendre les joueurs à valeur marchande, ou qui ne veulent pas réduire leurs salaires. Car les chiffres qui circulent actuellement signifient une baisse réelle de la masse salariale de l’effectif professionnel, et des nouveaux arrivants bien moins payés que leurs prédécesseurs. Au risque de se séparer de la quasi totalité de l’effectif de l’an dernier ? C’est ce qui pourrait se produire dans les prochaines semaines, puisque plusieurs départs sont dans les tuyaux…
Selon plusieurs sources proches du club, l’encadrement de la masse salariale par la DNCG sert d’argument à la nouvelle direction pour négocier des baisses de salaire avec les joueurs encore sous contrat. En cas de refus, des agents seraient mandatés pour leur trouver un point de chute, avec la menace d’évoluer en équipe réserve. Si David Vizcaino ne confirme pas ces informations, son discours en conférence de presse est assez limpide : « Le club ne compte pas sur certains joueurs pour des raisons salariales. À eux de voir s’ils préfèrent rester et ne pas jouer. Mais nous serons inflexibles. »
Quel projet sportif en Ligue 2 ?
Si le mercato vient seulement d’ouvrir ses portes, le projet sportif sochalien pose forcément question pour les supporters attachés à leur club, à leur équipe, à certains joueurs et aux jeunes issus du centre de formation. S’il est bien trop tôt pour juger des nouvelles recrues que personne (ou presque) ne connaît – à l’exception d’Abdoulaye Sané passé par le Red Star – le FCSM semble, d’un point de vue extérieur, partir quelque peu dans l’inconnu. Avec un effectif qui va très majoritairement découvrir la Ligue 2, et n’aura que quelques semaines pour se connaître, nouer des relations sur et en dehors du terrain.
En ce sens, il faut tout de même rappeler que les trois dernières saisons, le FC Sochaux Montbéliard n’a guère fait mieux qu’une dixième place en championnat, luttant même contre la relégation durant deux exercices. Baskonia-Alaves peut difficilement faire moins bien. Une autre donnée mérite d’être prise en compte : si le recrutement massif pose question, il ne semble toutefois pas être simplement guidé par des intérêts économiques. La direction sportive a mené une large étude sur la Domino’s Ligue 2, et les profils de joueurs retenus ont été définis pour coller à ce championnat.
Si les nationalités sont multiples dans le groupe sochalien, il apparaît probable que le recrutement ait été opéré par grappe : plusieurs joueurs ont déjà évolué ensemble au NK Rudes. Plusieurs espagnols arrivent ensemble. Plusieurs germanophones. D’autres qui ont évolué en Grande-Bretagne et parlent anglais. Sans oublier les francophones. Personne n’apparaît isolé par la barrière de la langue, et la plupart des joueurs ont déjà connu des expériences à l’étranger. Reste à voir comment le coach trouvera une osmose pour bâtir un effectif compétitif en Ligue 2.
Baskonia, juste du business ?
Quoi qu’il advienne, Baskonia Alaves ne prend pas de risque avec ce recrutement « low cost ». Les joueurs arrivent libres, ont des salaires très raisonnables, et des contrats courts. Ils proviennent de leur giron et les connaissent déjà très bien. Si, l’un ou plusieurs venait à s’affirmer en Ligue 2 cette saison, ce serait potentiellement synonyme de transfert et de plus-value pour Sochaux. Pour Sochaux ou Baskonia ? Il faudrait savoir quels sont exactement les termes de la convention entre les deux parties, même si l’on ose deviner que Baskonia Alaves doit avoir un intérêt financier sur les joueurs qui composent son « pool ».
Et qu’en est-il des probables rentrées d’argent suite aux transferts de joueurs qui composent actuellement l’effectif ? A qui revient l’argent ? Et pour les joueurs déjà partis, mais pour lesquels le FCSM touche régulièrement des commissions sur les transferts futurs au titre des frais de formation ? Une réponse claire a été signifiée d’entrée de jeu : le maintien d’Eric Hély, directeur du centre de formation. Signe donc d’un réel intérêt pour ce savoir-faire reconnu en France et en Europe. Un savoir-faire à acquérir puis développer ensuite ailleurs, dans un modèle de formation « type Red Bull », permettant ensuite de devenir maître d’oeuvre dans le chaîne du recrutement et de récolter à long terme de nombreuses retombées financières sur le marché des transferts ? Autant d’intérêts difficilement mesurables aujourd’hui, pour lesquels de véritables questions restent en suspens. Comme quoi, si le gestionnaire change, les questions demeurent. Comme depuis l’arrivée d’un certain Wing Sang Li…