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Entretien ML2 – François Guéry, livreur le jour, speaker d’Orléans le soir

Le vendredi, François Guéry mène une double vie. Le jour, il livre des fournitures de bureau. Le soir, il enfile sa parka de speaker. Depuis 15 ans, il est la voix de l’US Orléans. De la DH à la Ligue 2, François a tout connu. Il s’est arrêté un petit moment sur son histoire. Un bénévole pas comme les autres.

Vous revenez d’une journée d’échanges avec les autres speakers de L1 e L2 à Lyon (vendredi). Comment cela s’est-il passé ?

Très bien. Nous avons visité le Parc OL. C’était plutôt sympa. Le reste du temps, nous avons discuté, abordé des sujets intéressants, importants aussi. Il était question de sécurité autour des tribunes, des messages d’alerte. Mais aussi d’évoquer le protocole avec les délégués. De ce que nous pouvions faire. Notre collègue de Lille, Anne-Sophie, a présenté sa façon de travailler au stade Pierre-Mauroy. Il y avait en tout une trentaine de speakers sur les 40 L1/L2 confondues.

J’imagine que la différence d’animation entre la L1 et la L2 doit être flagrante…

Effectivement. Mais même en L1, il y a une grande différence entre les gros stades, comme Lille, Bordeaux, Lyon, et les plus petites structures. Nous, à Orléans, nous possédons une petite enceinte. Il existe des choses pratiquées à l’étage supérieur qui nous paraissent infaisables. Néanmoins, il y a des idées à importer. Comme la diffusion de messages provenant des réseaux sociaux sur les écrans géants. Cela se fait à Lille par exemple.

Dernièrement, vous avez été invité à annoncer la composition d’Orléans sur la pelouse du stade Bollaert de Lens. Passer de 5 000 supporters à plus de 25 000, cela vous a fait quoi ?

Je pensais être encore plus impressionné. Après, le public lensois se veut impressionnant. Quand on est dans le stade, cela n’a rien à voir avec ce que l’on peut apprécier à la télé. Je l’ai dit à Dominique Regia-Corte (speaker de Lens) : le public est formidable.

Même si vous avez été un peu sifflé ?

Oui, j’ai entendu quelques sifflets (rire). C’est la première fois que 25 000 personnes me sifflaient d’ailleurs. Sur le moment, je n’y ai pas pensé. J’ai présenté l’équipe, en suivant le tout sur l’écran géant car je n’avais pas de compo sur moi. C’est passé très vite, trop vite. Je suis prêt à y retourner toutes les semaines. Et puis, Dominique m’avait superbement bien accueilli.

« En DH devant 150-200 personnes »

Votre histoire, vous, débute devant 100 fois moins de personnes pourtant !

J’ai commencé en 2001. En DH. Puis nous sommes montés aussitôt en CFA2. Il y avait 150-200 personnes dans le stade. A la rigueur, ce n’est pas plus mal pour se lancer. Il est plus simple d’arriver devant 200 personnes que 6 000. Cela permet de se faire un peu d’expérience.

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Chauffer Orléans, ça coule de Source pour François Guéry. Crédit : Julien Péron

Pourquoi avoir pris le micro ?

C’était un peu par hasard. C’était du temps de Joël Germain sur le banc.

L’ancien joueur pro ?

Oui. Il était à la tête de l’équipe première de l’USO. Il me voyait chaque week-end parler aux joueurs, venir supporter mes couleurs. Un jour, il m’a proposé d’intégrer le club comme bénévole pour donner un coup de main. En ce temps, il n’y avait pas de speaker. Je me suis proposé. Il m’a laissé carte blanche. On choisissait parfois la musique ensemble. Cela a apparemment plu au club. Depuis, j’ai gravi les échelons avec le club.

Et vous avez gardé ce statut de bénévole.

Totalement et entièrement. Je suis nourri et habillé de temps en temps. Quotidiennement, je suis livreur. Je livre des fournitures de bureau toute la semaine. Le vendredi soir, on va au stade.

Vous arrivez à vous libérer à chaque fois ?

En principe, je termine entre 15 et 16h. Le vendredi, j’essaye de finir un tout petit peu plus tôt. Le temps de me préparer. Et puis d’aller chercher ma fille à l’école, aussi. Donc je commence assez tôt pour finir le moins tard possible. De ce côté, je n’ai jamais été embêté.

Cela demande une organisation particulière, non ?

Généralement, je prépare ma feuille de match la veille au soir. J’essaye de posséder toutes les informations sur les animations à faire le soir du match, sur les annonces. De sorte de ne pas être à la bourre le vendredi, qui est déjà une journée assez longue. Mais le vendredi, ce n’est que du plaisir. Je suis en bord terrain. C’est sans contestation possible moins fatigant que la journée de boulot (rire).

Hâte d’avoir un match le samedi alors ?

Cela pourrait être encore plus sympa. Mais nous n’avons jamais eu la chance de jouer ce jour-là. Si les diffuseurs m’entendent (rire).

« Je prends surtout du plaisir »

Espérez-vous un jour pouvoir devenir salarié du club ? Ou le bénévolat ne vous pose aucun souci ?

J’ai commencé en DH il y a 15 ans et je ne me suis jamais vu demander quelque chose au club. Depuis, je suis toujours resté dans cette optique. Bien entendu, je ne serai pas contre une indemnisation si on me le proposait. Mais je n’ai jamais demandé. Puis, vous savez, en L1 comme en L2, beaucoup de speakers sont auto-entrepreneur dans l’animation. Ils sont rémunérés pour leur rôle de speaker. Moi, c’est un choix. Je prends surtout du plaisir.

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Si François écorche un nom, Ayari aussi. Crédit : ImageSport

En occupant une place privilégiée…

Totalement. Cela permet d’entendre des choses que l’on n’entend pas en tribunes. Entendre les dialogues entre les arbitres, les délégués et le coach. Il y cette adrénaline. Notamment juste avant de faire la présentation des équipes. Il existe aussi une appréhension de voir si le public va suivre. Car, ce n’est pas méchant, mais nous avons un public avant tout de spectateurs à Orléans. Même s’il y a un groupe de supporters qui met de l’animation.

Il y a cette peur de manger un nom ?

Ah oui, ou d’oublier quelque chose. Mais finalement, quand le public répond, ce n’est que du plaisir. Je repense aux 2 derniers matchs de National l’an passé, avec 5-6 000 personnes dans le stade. C’était énorme. Le public qui s’enflamme, ce n’est que du bonheur. Je n’ai limite plus rien à faire. Le public est chaud. Alors on s’enflamme à se casser la voix !

Vous évoquiez le National. Est-ce si différent que la Ligue 2 dans l’organisation générale des matchs ?

La Ligue 2, au niveau du protocole et des délégués, c’est vraiment très carré. Trop carré même… Tout est calé à la minute. En National, nous avions quelques libertés. Par exemple, à Orléans, un décompte s’affiche sur les écrans géants avant l’entrée des joueurs. En National, les délégués et l’arbitre n’y voient aucun inconvénient à rentrer avec 15 secondes de retard en fonction du décompte. En L2, 19h57, c’est 19h57, pas 58 ou 56. Les arbitres entrent, peu importe l’écran géant. Les délégués sont assez pointilleux sur le timing. C’est leur rôle de vérifier que le protocole est respecté.

« Le rêve ? Une finale de Coupe au Stade de France »

Comment se passe un avant-match classique pour vous ?

J’arrive au stade vers 17h45, afin d’être présent à la réunion H-2 avec les délégués et les médias. Avant et après, je vais voir mon camarade qui s’occupe de l’écran géant. Nous calons tout ce que nous avons à annoncer. Les ramasseurs de balle, les matchs de la soirée, les annonces partenaires, etc. Sur les coups de 19h, je redescends chercher la feuille de match. Puis, je commence à intervenir dans le stade vers 19h15, lorsque les équipes entrent pour l’échauffement. On essaye de commencer à chauffer le public. Puis, entre l’échauffement et l’entrée des joueurs, il y a la présentation des équipes, le clapping…

L’hiver arrive, et les spectateurs viendront moins nombreux. Est-ce plus compliqué d’animer un avant-match ?

Personnellement, quand il fait très froid, j’anime vraiment pour le club (rire). On s’habille chaudement et on y va. L’ambiance est toujours présente. Notre groupe de supporters sera toujours là. On essaye de trouver les mots, de notre côté, pour faire bouger le public. Ce n’est pas évident, c’est certain. Le clapping, avant la rencontre, permet d’entraîner un peu le public.

Et à la fin ? Un succès est-il fêté spécifiquement ?

Les joueurs ont pris l’habitude d’aller voir les supporters. On baisse la musique, ils chantent ensemble. Un joueur prend souvent le mégaphone et met l’ambiance. Je laisse faire.

La Ligue 1, ce n’est peut-être pas pour tout de suite. Mais avez-vous un petit rêve comme speaker ?

La L1 est un rêve. Mais il ne faut pas bruler les étapes. Sinon ? J’aimerais bien faire une finale de Coupe au Stade de France pour présenter mon équipe…

Propos recueillis par Laurent Mazure

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