« Avec leurs mesures contre-productives, ça allait péter. C’est arrivé », lance Pierre Révillon, président de l’Association Nationale des Supporters. Ce samedi après-midi, le Stade Océane fut le théâtre d’un spectacle peu glorieux. Des incidents ont émaillé l’avant-match entre Le Havre et le RC Lens (2-0, 23e journée de Ligue 2). Depuis les faits, on entend de tout, et parfois n’importe quoi. Nous avons contacté des fans indépendants du Racing, des responsables de sections impliqués dans ces histoires.
Tout commence à l’arrivée des 2 bus des Red Tigers ainsi que de celui des North Devils, 2 groupes de supporters lensois. Il est environ midi. Les 3 autocars sont conduits au parking réservé aux supporters visiteurs. Ce seront les seuls. Un « enclos » fermé. « Tout était grillagé », indique Pierre Révillon, également membre du groupe Ultra. En contact régulier avec les fans du Havre (ces derniers n’ont pas souhaité s’exprimer, ne connaissant pas tous les détails des incidents), les Red Tigers devaient rallier le centre-ville normand, où une fan-zone les attendait. « Nous avons voulu sortir. Et là, un policier a violemment poussé une femme d’un des Red Tigers. Cela a commencé à chauffer, sans qu’il y ait le moindre jet de projectile », raconte Pierre. Une quarantaine de Tigers se tenaient derrière les portes de sortie. Certains sont remontés dans le bus. D’autres s’amusaient à courir devant les CRS, dans « une ambiance bon enfant » selon les personnes sur place.
« Les CRS visaient sous le préau »
Puis les CRS ont chargé pour disperser tout ce monde. Les CRS visaient sous le préau, où s’étaient regroupés environ 200 supporters. » Jets de projectiles, flashball, gaz lacrymogène… « On ne voyait plus rien. Nous essayions de respirer. Des gens ont pété un câble. Nous avons du mal à comprendre pourquoi ils ont gazé, s’interroge Pierre. C’est la première fois que je vois ça en déplacement. Des mecs sont tombés par terre. Une femme, qui porte des lentilles, ne voit plus depuis hier d’un œil. Elle va porter plainte ! » En réponse, les fans lensois jetaient des canettes. D’une manière plus générale, les fans présents dénoncent l’irresponsabilité des forces de l’ordre. « Des gens se sont fait frapper. Cela aurait pu être moi. Il ne fallait surtout pas se trouver au mauvais endroit au mauvais moment », indique Florian Gardé, fan indépendant du RCL.
« Nous étions des bêtes »
L’attente paraissait interminable. Les supporters lensois n’ont pu accéder au parcage qu’après le coup d’envoi. Ils ont attendu de longues minutes dehors, dans les couloirs. Et sous étroite surveillance. « Il n’y avait aucune communication, lance Florian Gardié. Nous étions là, on attendait sous la pluie. J’avais l’impression d’être un chien. » Un sentiment partagé par beaucoup, à commencer par Antoine Lair : « J’ai entendu que les supporters attendaient désespérément de rentrer. Les CRS commençaient à s’énerver. L’ambiance était électrique. Cela a envenimé les choses. Les CRS nous bousculaient. Dans le couloir, ils étaient quasiment un CRS pour un supporter. Je n’ai jamais vu ça. A croire que nous étions des bêtes. Certains avaient un rire jaune. D’autres étaient énervés. Cela se bousculait de partout. » Florian reprend : « Les policiers se foutaient de la gueule de quelques supporters de Lens. On entendait des « pinpins » fuser. Une personne handicapée souhaitait passer. Mais un CRS lui a répondu : « Non, c’est pareil pour tout le monde. » De son côté, Loïc Willer, président des North Devils, a « halluciné. Nous étions tous dans un petit couloir. Tous les stadiers, CRS nous encerclaient. Ils étaient sur les dents. Nous étions réellement des animaux ! »
« Ils nous dégoutent du football »
Une fois dans le stade, des sièges ont été arrachés. Des actes condamnables. L’énervement, lui, reste compréhensible. Un fan voit son siège céder. Spontanément, on ne se prive pas pour sauter dessus, les casser et les envoyer par-dessus le grillage, sur la pelouse. « Ils ont montré leur désaccord. C’est du sabotage, oui », avoue Florian. Personne ne se cache derrière ces faits. Ils assument. Après la pause, les responsables des Tigers et les capos ont appelé au calme. Après coup, chacun pointe du doigt l’absence de communication, d’information. « Personne ne nous disait rien, commence Pierre Révillon. Il y a eu un manque flagrant de communication. L’organisation était zéro. On critique les supporters, mais malgré l’attente, ils se sont bien tenus. Et nous avons loupé le coup d’envoi… […] On est arrivé à un point de non-retour. Ils sont en train de nous dégoûter du football. Je ne comprends vraiment pas pourquoi on nous a enfermés dans un enclos. D’autant plus que tout se passait bien avec les fans havrais… »
Laurent Mazure